On parle de Mouv’outremer dans la presse de Mayotte !

Mouv’outremer et sa communauté Océan Indien ont été mis à l’honneur dans plusieurs journaux de la presse mahoraise. La presse avait en effet été conviée à un évènement organisé par l’agence AFD de Mamoudzou destiné à célébrer la promotion Mouv’outremer Océan Indien en présence d’acteurs publics et privés locaux.

L’occasion pour France Mayotte Matin de publier un bel article soulignant l’émergence d’une « dizaine de porteurs de projets de la promotion Mouv’outremer », après les avoir rencontrés ce mercredi 1er décembre à Mayotte. 

L’article présente une belle vision d’ensemble du dispositif Mouv’outremer à Mayotte, ainsi qu’une sélection de projets parmi les différents lauréats, tous considérés comme des « projets innovants et plein de promesses ». 

Le journal Flash Infos Mayotte pour sa part met également en lumière cette belle réussite, décrivant le dispositif Mouv’outremer comme « un parcours de formation adapté à chaque acteur et aux spécificités des territoires d’Outre-mer ».

Cette valorisation représente une nouvelle récompense pour tous les acteurs de Mouv’outremer, qu’ils soient formateurs, apprenants ou partenaires.

Liens pour retrouver les articles en PDF : 

France Mayotte Matin du 2 décembre

Flash info Mayotte du 2 décembre

Portraits Mouv’outremers – Guadeloupe. Meagann et Terence, créateurs de l’Observatoire de l’alimentation durable.

Qui êtes vous?

Terence Pierrot. Je suis un entrepreneur passionné d’innovation et d’alimentation. Je suis engagé pour le développement de mon territoire aussi bien à travers mes actions personnelles, notamment ma consommation, qu’à travers mes actions professionnelles, avec la création de mon entreprise dans l’agroalimentaire.

Meagann Boulassy. Je suis chargée de mission transition écologique, sensibilisée à tout ce qui traite des enjeux environnementaux, de l’économie circulaire à l’alimentation durable. Et j’ai vraiment à cœur d’apporter ma pierre à l’édifice pour renforcer la résilience de notre territoire.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Meagann. Nous nous sommes rencontrés dans la promotion de Mouv’outremer. Nous étions plusieurs participants dont les projets traitaient de l’alimentation. Grâce à la formation, nous avons pu échanger et nous avons décelé une cohérence dans notre vision de l’alimentation durable en Guadeloupe. J’avais le projet d’une plateforme offrant des outils (données, cartographies, instruments financiers, forum, etc.) pour favoriser un système alimentaire durable. Terence, de son côté, avait déjà identifié ce projet comme solution.

Terence. De mon côté, je portais le projet d’une société de production et distribution de produits alimentaires durables (bio, équitable, végétal) nommée Nuriyo. Le projet de Meagann répondait à des besoins que j’avais, pour mener à bien mon activité : tout ce qui est relatif à la donnée dans le secteur de l’alimentation locale en Guadeloupe. Au cours de la formation, nous nous sommes vite rendu compte qu’il y avait des points de convergence dans nos deux projets et une évidence à travailler ensemble.

Comment cela s’est-il mis en œuvre concrètement ?

Meagann. Après la formation, nous avons avancé chacun sur nos projets. Puis, Terence a décidé de fonder une association avec un jeune agriculteur, Loïc Bourdy. Il m’en a parlé et j’ai tout de suite adhéré à cette initiative.

Terence. L’Association Pour la Production Durable En Guadeloupe (APPDEG) crée un lien entre les acteurs qui veulent œuvrer pour une alimentation durable. Nous avons commencé par des événements de mise en relation et de mise en avant des différents acteurs de la production durable, que ce soit dans l’alimentation, l’agro transformation, les cosmétiques, la mode, tout ce qui a trait à la production locale. Pour aller plus loin, il y avait cette nécessité d’encadrer les acteurs et de mettre à leur disposition les informations et les données, d’où l’idée de créer un observatoire. Et c’est là que l’éclairage de Meagann était important puisqu’elle avait déjà cette initiative de rassembler les données sur les secteurs liés à la production durable.

Grâce à la formation, nous avons pu échanger et nous avons décelé une cohérence dans notre vision de l’alimentation durable en Guadeloupe

Meagann lors de la journée AgriCall de l’association APPDEG organisée en Juillet 2021

Qu’est-ce que l’Observatoire de l’alimentation durable ?

Terence. C’est un outil numérique collaboratif qui centralise et génère les données liées au secteur de l’alimentation en Guadeloupe. On y trouve les statistiques, les enquêtes, la cartographie des acteurs et des initiatives, les informations sur les métiers, les différentes aides et les outils financiers à disposition des porteurs de projets et des entreprises, et également des données sur la consommation.

Meagann. Sa mission est d’aider les porteurs de projets mais aussi les acteurs qui souhaitent tout simplement être informés.

Que vous a apporté la formation Mouv’outremer?

Meagann. Plusieurs participants avaient identifié ce besoin de mettre en commun les données. Au fil des rencontres et des discussions, je me suis rendue compte que c’était bien une nécessité. Cela m’a vraiment confortée dans l’intérêt du projet. J’ai senti qu’il avait toute sa raison d’être. Et puis, cela a renforcé l’envie d’aller plus loin. La rencontre avec Terence et la création de l’APPDEG, par la suite, ont remis un coup de dynamisme pour le développement du projet de plateforme. La formation a aussi permis, à travers les ateliers et la communauté, de challenger le projet, mieux définir le produit, la cible, les utilisateurs, etc.

Terence. La plus-value, c’est la création d’un réseau avec des acteurs qui ont une vision et des objectifs communs. Et puis, ça conforte dans l’idée qu’on ne se réveille pas un matin avec juste de bonnes intuitions, qu’il y a des besoins concrets et que nous sommes sur la bonne voie pour apporter un impact positif pour notre territoire.

Avec les membres de la communauté, les « Mouvers », nous formons vraiment une équipe

Mouv’outremer, c’est également une communauté. Êtes-vous toujours en lien avec les autres participants de votre promotion Antilles- Guyane ?

Terence. Absolument. Nous sommes en train de structurer au mieux le réseau avec tous les apprenants de la formation, de mettre en place des ateliers, des événements, pour que nous puissions réellement nous entraider et ne pas nous retrouver seul de nouveau. Notre objectif est que le réseau s’autogère pour pouvoir accompagner chacun dans son projet, et de maintenir la bienveillance et la solidarité que nous avons pu construire pendant les séminaires.

Meagann. Avec les membres de la communauté, les « Mouvers », nous formons vraiment une équipe. Terence fait partie des référents en codéveloppement et moi, des référents animation de la communauté. Notre but est de pérenniser la dynamique créée lors de la formation.

Les Mouvers, premiers soutiens de l’équipe lors de la journée AgriCall.
De gauche à droite : Francisca AMORIM (Guadeloupe), Blandine DEDES (Guadeloupe), Monette MARIE-LOUISE (Martinique), Terence PIERROT (Guadeloupe), Meagann BOULASSY (Guadeloupe)

Quelles sont vos attentes aujourd’hui?

Meagann. Nous sommes en phase de construction, aussi bien au niveau de la communauté élargie Mouv’outremer, que de l’APPDEG. L’association a été créée en juillet. Ma première attente est qu’il y ait un vaste élan de la part des acteurs pour contribuer et renforcer le mouvement. Nous devons être nombreux afin d’avoir un réel impact et aller loin.

Terence. Nous sommes aussi à la recherche de financements pour nos différents projets (Nuriyo, l’APPDEG, l’observatoire). Le financement est une question fondamentale. Et nous avons besoin de forces vives, notamment pour l’organisation des événements et sur la communication. Que ceux qui souhaitent participer au changement et à l’impact positif qu’on peut avoir sur le territoire en termes d’alimentation durable n’hésitent pas à nous rejoindre !

Quelles sont les prochaines étapes ?

Meagann. Avec l’association, nous préparons une journée « Agri Call » à Marie-Galante pour le mois de décembre. C’est une journée de rencontres solidaires entre acteurs de l’agroalimentaire local.

Terence. Avec Nuriyo, nous sommes lauréats du concours de l’incubateur du Crédit Agricole, le Village by CA Guadeloupe. Nous travaillons pour la mise en place de nos premières unités de production : recherche de financements, industrialisation de nos recettes, installation de notre première usine. Avec la communauté Mouv’outremer, des ateliers de codéveloppement sont organisés afin de profiter de l’intelligence collective. Il s’agit de réunions entre pairs ayant le même niveau de responsabilités pour faire émerger des solutions. À chaque séance, 6 à 8 personnes échangent durant 2 à 3 heures autour d’une problématique rencontrée par l’un des participants. Ces discussions apportent des réponses qui servent à tout le groupe. Au sein de Mouv’outremer, ces rendez vous bimensuels permettent à chacun d’avancer dans ses projets et de résoudre ses problématiques managériales. Le partage, dans un environnement confidentiel et de confiance, renforce aussi notre engagement.

Pouvez-vous tirer un premier bilan ?

Terence. La première journée « Agri call », que nous avons organisée en juillet, a rassemblé environ 250 personnes, c’était une belle réussite. Beaucoup de participants nous ont demandé si ce serait un événement récurrent, pour retrouver régulièrement les acteurs, les producteurs qui font des choses intéressantes localement. C’est un rendez-vous attendu.

Meagann. Mouv’outremer nous a donné des méthodes pour concrétiser nos projets.

Suivez leur actualité sur leur site (en construction) et les réseaux sociaux instagramfacebook

S’engager pour son territoire en devenant animateur·rice du programme Mouv’outremer

La lutte contre l’exclusion, la réduction des déchets, la réduction des polluants, la réduction des risques face au réchauffement climatique et des émissions de CO2 : ces cinq objectifs utilisés dans la formation Mouv’outremer ne pourront être atteints sans la participation des différent.es acteurs et actrices locaux de la dynamisation territoriale. 

Le programme Mouv’outremer est né de ce constat en 2020, afin d’encourager les citoyen·nes, élu·es, chef·fes d’entreprise, membres d’associations, entrepreneur.es, agents publics, cadres, étudiant.es et journalistes des régions d’Outre-mer à lancer un projet à impact social ou environnemental, au travers d’un parcours de formation digital et collectif.

Si ce sont le Ministère des Outre-mer et l’Agence Française de Développement (AFD) qui sont à l’origine de cette initiative, son succès a été rendu possible par des équipes pédagogiques engagées qui comptent parmi leurs membres des bénévoles du territoire, chargées d’accompagner les entrepreneurs sociaux qui composent la communauté des Mouvers.

Qui sont ces animatrices locales ?

Pour cette édition de la zone Antilles, elles étaient 3 :

Sylvie Meslien est Docteure en Histoire et enseignante en Martinique. Fortement engagée sur les sujets de patrimoine et d’innovation à travers différentes associations, elle dispense des formations de co-design à des citoyens, des collectivités et des organisations privées. 

Lina Von Paczensky est la cofondatrice d’un organisme de formation destiné à aider tout public à mieux saisir les opportunités liées au numérique en Martinique également. Elle accompagne notamment des salarié.es, demandeur.ses d’emploi, cadres et personnes en reconversion dans l’acquisition de nouvelles compétences qui leur permettent d’être plus compétitifs sur le marché du travail.

Enfin, Génica Lawrence est enseignante-chercheure à l’Université des Antilles en Guadeloupe. Docteure en Sciences des aliments, elle travaille sur la thématique de la valorisation des ressources végétales locales en mettant en avant les bienfaits nutritionnels, fonctionnels et sensoriels de ces dernières et par l’éducation alimentaire.


Toutes trois portées par les sujets d’accompagnement de projet, les dynamiques d’innovation sociale et le développement économique, culturel et social du territoire des Antilles, elles ont rejoint l’aventure Mouv’Outremer en en devenant les fières accompagnatrices.

Quelle est leur mission ? 

En amont du lancement du programme Mouv’outremer, elles ont bénéficié d’une formation aux différentes méthodes et outils d’innovation qui le composent, ainsi qu’à des techniques d’animation et de facilitation en collectif afin ’d’accompagner les apprenants au cours de la 2ème partie de la formation dédiée au passage à l’action sur son projet (8 semaines d’accompagnement).  

Pour chaque groupe d’apprenants (20 apprenants par groupe), elles ont endossé un rôle de chaperon ; structurer, fédérer et accompagner les apprenants, en démontrant notamment des qualités d’écoute, d’empathie et d’enthousiasme. 

Chaque semaine, les apprenants se retrouvaient lors de webinaires d’une heure pour échanger de bonnes pratiques, partager des succès, résoudre d’éventuelles difficultés et, bien sûr, faire un point sur l’avancement de leurs projets respectifs. C’est aux commandes de ces réunions, que nous retrouvons nos animatrices du programme, qui doivent tirer le meilleur de participants aux projets et profils bien différents. 

Ce sont ces animatrices qui ont pu soutenir les apprenant•e•s en leur donnant accès à de belles opportunités, par exemple indiquer à Lauriane, qui souhaite créer un bar à salade bio où les salarié•es seront en majorité des travailleur•ses handicapé.es, des opportunités de financement et d’accompagnement pour son projet, ou échanger sur ses problématiques du moment avec Florent, porteur d’un projet dans la transformation d’eau salée en eau potable à travers le photovoltaïque, lors de temps d’échanges en ligne. 

Une expérience humaine

Avant de rejoindre l’aventure Mouv’outremer, Sylvie était optimiste quant à la capacité des Outre-Mer à s’engager pour des causes environnementales et sociales. En devenant animatrice pour le programme, elle a pu découvrir, et même participer, à cette dynamique territoriale : “j’étais loin de me douter – même si je le supposais, que nous avions des Outre-Mer aussi dynamiques et en phase avec leur environnement ainsi qu’avec les personnes qui les composent. Personnellement ce fut une expérience enrichissante et pleine d’enseignements, notamment grâce aux organisateur.rices du programme, et par celles et ceux qui s’y étaient inscrit.es. Même avec le contexte sanitaire actuel, tout le monde était au rendez-vous !” 
 

Selon Lina, c’est l’esprit de communauté qui fut en grande partie responsable du succès du programme : “c’était un véritable plaisir de faire partie de cette jeune communauté. J’ai beaucoup apprécié l’attitude de partage et d’entraide des participant.es, qui ont formé une promotion soudée tout le long du parcours de formation.” Cette notion de camaraderie est au cœur du programme Mouv’outremer, et ce sont les animateurseur·rices qui en sont les garant·e·s. 

De nouvelles compétences à valoriser et des ressources à exploiter 

Lina, désormais plus sensibilisée aux enjeux de transition de son territoire, a confirmé sa volonté d’intégrer les cinq piliers de la formation (la lutte contre l’exclusion, la réduction des déchets, des polluants, la réduction des risques face au réchauffement climatique et des emissions de CO2) à son activité professionnelle. Désormais, son entreprise dispensera des programmes d’accompagnement thématisés. “Nous souhaitons également ouvrir notre tiers-lieu aux rencontres et aux initiatives de la communauté Mouv’outremer, afin de permettre une continuité dans l’échange et la collaboration.

Évoluant déjà dans le milieu de l’insertion professionnelle de par son activité de formation, Lina a pu également, en tant qu’animatrice, améliorer sa connaissance des acteur.rices du territoire engagé.es dans une dynamique de développement durable et d’impact positif. “La diversité de projets et le niveau d’engagement ont été une source d’inspiration et de motivation pour moi, et donc indirectement pour mon entreprise.” complète-t-elle. 

Pour Sylvie, qui travaille depuis plusieurs années avec une multitude d’acteurs sur des enjeux de conservation de patrimoine et d’acculturation au numérique, cette expérience fut l’occasion de s’approprier de nouvelles approches en les mettant en pratique rapidement : “En plus de m’être enrichie au contact d’entrepreneur.es engagé.es, le fait d’être coordinatrice m’a permis de découvrir des méthodes et des outils qui me serviront forcément dans mon activité professionnelle.” Cette dimension représente une autre force du programme : que l’on soit porteur.se de projet ou animateur.rice, le modèle formation-action permet à chacun de rapidement engranger de nouvelles compétences. 

A l’issue du programme, en plus de l’expérience vécue et d’une mise en réseau poussée, les 3 animatrices ont pu repartir avec des contenus de formation qu’elles ont désormais la possibilité de réutiliser dans le cadre de leurs propres activités d’accompagnement ou de formation.

Une aventure pour son territoire et pour soi

Les objectifs de transition portés par Mouv’outremer sont ambitieux, mais les Mouvers le sont aussi, et s’ils peuvent se le permettre, c’est en grande partie grâce à l’engagement des équipes pédagogiques et des animateurs·rices locaux·ales du programme. De par leur rôle stratégique et bienveillant, ils veillent à la réussite du programme de formation, tout en vivant une expérience unique leur permettant d’adopter une nouvelle posture, tant sur le plan personnel que professionnel. Qui sait si, pour certain.es d’entre eux, ce ne fut pas l’élément déclencheur qui les poussera à se lancer à leur tour, dans un projet à impact pour leur territoire ? 


Portrait Mouv’Outremer – Martinique : Claude Titina, « initier un mouvement des entreprises d’outre-mer en faveur de la création « d’aires de détente et de jardins créoles écoresponsables »

40 porteurs de projets très prometteurs et à impacts visant à accélérer les transitions vers des territoires durables, sur des thématiques très variées répondant aux besoins des territoires, ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à candidatures lancé par l’AFD et le Ministère des Outre-mer. Outremers 360 vous présente l’un de ces porteurs de projets. Aujourd’hui, nous allons en Martinique,  à la rencontre de Claude Titina qui souhaite promouvoir la création« d’aires de détente et de jardins créoles écoresponsables dans les entreprises.

Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours ?

J’ai tout d’abord fait des études d’Econométrie et de Commerce International à Paris I Panthéon Sorbonne (Bac +5). J’ai ensuite passé plus de 25 ans à Paris, dans le marketing et la communication ou j’ai occupé plusieurs postes dans le conseil (consultante senior, directeur conseil, directeur de département corporate) et dans l’opérationnel (Responsable Communication, Directeur Développement Marketing puis Conseil auprès de dirigeants (Médiamétrie, Groupe Largardère, Groupe Thuasne, Air France etc.) ; une expérience variée, qui m’a permis de très bien connaître le monde de l’entreprise.

J’ai fait partie des Etats Généraux de l’Outre-mer, qui avaient déjà à l’époque un axe Développement Durable. Suite à la crise de 2008, forte de mes compétences en partenariats et en lobbying, j’ai décidé d’apporter cette expertise au service de ma région d’origine : la Martinique.

J’ai démarré mi 2009 en tant que Déléguée générale de Contact-Entreprises (Association de chefs d’entreprise), pour laquelle j’ai organisé une conférence avec Guy Carcassonne, professeur de droit constitutionnel renommé. Nous étions alors à la veille d’une consultation sur le statut institutionnel de la Martinique puis en 2010, j’ai accepté une mission au Conseil Régional de Martinique puis intégré l’AMPI (Association Martiniquaise pour la Promotion de l’Industrie) puis en 2012 en tant que chargée de mission. Toute cette expérience professionnelle s’est combinée avec une attirance naturelle pour notre nature riche, notre biodiversité et nos jardins depuis mes jeunes années. Toutefois, c’est surtout le contexte multi facteurs (la crise sanitaire, l’opportunité Mouv’outremer et ma sensibilité personnelle aux transitions) qui m’a permis de cheminer vers le thème de mon projet. Aidée en cela par la nécessaire prise de recul et les ressources autour de la transition écologique offertes par la formation Mouv’outremer.

Quel est le projet pour les transitions durables que vous portez ?

Le but de mon projet est d’initier un mouvement des entreprises d’outre-mer en faveur de la création « d’aires de détente et de jardins créoles écoresponsables », dans une dynamique RSE. Mon ambition est d’abord de susciter l’adhésion au projet, puis d’accompagner les chefs d’entreprise qui se laisseront tenter par l’aventure, jusqu’à la pose effective de la 1ère pierre du jardin créole et de l’aire de détente. Ce projet devrait être « hébergé » dans un premier temps par l’AMPI, mon employeur, qui est une association de loi 1901. Ensuite, la forme juridique pourrait alors évoluer. Tout dépend de la dynamique enclenchée et de son évolution.

Le projet a plusieurs ambitions. D’une part, pouvoir améliorer le bien-être au travail dans les structures qui possèdent du foncier et sensibiliser à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. D’autre part, renouer avec la nature généreuse de la Martinique, nos jardins traditionnels encore omniprésents à l’époque de nos grands-parents, et avec une relation plus saine à la nutrition.

En réalité j’ai toujours été très sensible à la préservation de la nature, et au-delà de ma sensibilité naturelle, à mon retour à la Martinique, j’ai été confrontée à la dégradation de l’île, aux taux de pollution de l’air, et à la présence prégnante de chlordécone dans nos sols et nos rivières pour des années… A cela, il faut rajouter mon engagement personnel au sein du Rotary Club de Fort de France depuis 6 ans et que je préside cette année, et au sein duquel ces problématiques nous préoccupent également.

Pourquoi votre engagement pour les transitions durables, qu’est-ce qui vous tient à cœur ? Qu’est-ce qui vous a motivé, quel a été votre déclencheur pour ce projet ?

Plusieurs éléments de contexte ont donc forgé ma réflexion : Tout d’abord, la prise de conscience dans la population de l’importance de l’origine des produits que nous consommons (fruits, légumes, viandes, poissons, crustacés…), conséquence de l’impact de la pollution de nos terres en chlordécone ; on estime qu’au moins un tiers de la surface utile agricole serait polluée durant des centaines d’années !

Qui plus est, est venue se rajouter la période de confinement strict des mois de mars-avril- mai avec la diminution du trafic maritime et du fret aérien, qui a mis en lumière notre dépendance encore trop forte en matière alimentaire (entre autres) et l’importance d’avoir des unités de fabrication de produits locaux (alimentation, hygiène, matériaux de construction etc.). On a ainsi vu fleurir un retour vers nos jardins d’antan avec la croissance de ventes en magasins de bricolage et de jardineries.

Ensuite les protocoles sanitaires préconisent des recommandations portant sur l’aération régulière des locaux recevant du public comme ceux privés. Or nos bâtiments tertiaires Outre-mer sont quasi exclusivement orientés vers une climatisation systématique et sont dépourvus de terrasses, balcons et encore moins de jardins et aires de détente. Rares sont ceux dit « bioclimatiques » à date. Et puis parallèlement, les chefs d’entreprise et dirigeants d’institutions publiques se sont retrouvés face à une problématique nouvelle : restaurer la confiance des salariés sur leurs lieux de travail afin de les accueillir à nouveau de manière sécurisée sur le plan sanitaire. Ce qui n’est pas simple et évident dans des endroits fermés et bétonnés.

Autre élément que nous ne devons pas perdre de vue pour autant : la préparation de nos entreprises vers une transition écologique plus importante avec des défis de résilience au changement climatique, de réduction des déchets, de consommation en énergie fossile, d’inclusion, ou de pollution de nos sols.

Avec pour fil rouge, le développement nécessaire de la RSE (responsabilité sociale et environnementale) en Outre-mer. Aujourd’hui, elle est encore émergente. On voit l’introduction d’indicateurs liés au bien-être des salariés, à la capacité des entreprises à coopérer plus intelligemment en matière de contribution à un comportement plus vertueux et respectueux de l’environnement, mais c’est encore une friche. D’où l’idée de relier les deux avec l’intitulé de mon mémoire : Le contexte sanitaire ? Accélérateur de RSE dans les Outre-mer Français : Pour un déploiement « d’aires de détente et de jardins créoles écoresponsables ».

Quelles ont été les étapes suivantes ?

Une fois le contexte posé, il a fallu réfléchir en termes de cibles prioritaires. J’ai décidé de me concentrer dans un premier temps sur les entreprises disposant de foncier et de proposer des aires de détente aménageables en jardins créoles à destination des salariés – d’une superficie pouvant varier de 250, 500 à 1000m2 et plus si elles le peuvent.

Ces « aires de détente et jardins créoles écoresponsables » proposeraient des arbres fruitiers, légumes et plantes aromatiques faciles à faire pousser et entretenir (citron, mangue, prune de Cythère, orange, goyave, plant de canne, citronnelle, menthe brisée, et autres aromatiques et medicinales, christophine, igname, tomate…). En fonction du lieu et de la nature du terrain.

Le budget de départ du jardin stricto sensus (hors carbet) varie entre 3000 et 7000€ avec des fruitiers de taille moyenne de façon à obtenir une récolte rapide (entretien exclus).

Bien évidemment, un jardin écoresponsable fait appel :
– Au recyclage des déchets vers la fabrication de compost
– A la récupération de l’eau de pluie afin de favoriser l’arrosage et drainer les sols
– A l’utilisation d’engrais naturels non chimiques.

A moyen terme, il s’agira d’intéresser les promoteurs et les syndics immobiliers, les bailleurs sociaux et les communes bien sûr. Ces deux derniers ayant en charge l’entretien des espaces verts.Enfin à terme, il n’est pas exclu de créer un atelier d’insertion avec le CFA agricole et Pôle Emploi pour l’entretien qui serait adossé à une entreprise du secteur déjà bien implantée.

Ce projet dans son ensemble peut être un véritable levier de bien-être pour tout le territoire. Vous imaginez aller à votre travail et en revenir avec des fruits, légumes ou plantes aromatiques provenant d’une agriculture écoresponsable ? Qui pourrait refuser cela ?

potager créole

Quels sont les défis que vous rencontrez ?

Le co-financement et l’accompagnement.
Le projet intéresse beaucoup. Les premiers entretiens sont très encourageants y compris auprès des entreprises de l’AMPI. Des entreprises ont déjà manifesté un intérêt pour la démarche. Certaines de nos distilleries, EDF, SARA, entre autres parmi les premières.

Je suis également convaincue que ce projet ne peut évidemment que rencontrer une forte adhésion auprès des salariés, sur la base de quelques entretiens qualitatifs que j’ai d’ores et déjà pu effectuer.
Il faut pouvoir trouver un levier de financement incitatif de façon à convaincre les chefs d’entreprise de relever ce défi de la transition sociale et écologique.

Différents partenaires possibles sont en train d’être contactés (CTM, DAAF, Office Français de la Biodiversité, ADEME, CREDIT AGRICOLE, BRED…).

De quelle façon Mouv’outremer vous a aidé à le porter, le développer et à répondre à ces défis?

Sur le plan des cofinancements tout d’abord. Mouv’Outremer s’est trouvé être un formidable facilitateur de rencontres avec les interlocuteurs idoines. C’est un gain de temps considérable. C’est aussi une caution de savoir que ce programme de formation est proposé par le Ministère de l’Outre-mer et développé par l’Agence Française de Développement. Le Président de la République a adressé un message fort lors du lancement du programme le 8 avril 2019. Nous savons que les projets validés sur le papier sont scrutés et seront accompagnés d’une façon ou d’une autre. C’est plutôt rassurant et nous avançons en confiance. La dynamique enclenchée dispose de tous les ingrédients pour générer de véritables projets participant au développement du territoire et à sa transition écologique.

Les outils et ressources offerts par la formation pendant ces 4 mois et l’élan collectif suscité au sein de la communauté des apprenants et formateurs sont vraiment un gage de qualité et nous arment pour les prochaines étapes de nos projets.

Un ou des apprentissages sur le parcours Mouv’outremer ?

La fertilisation de nos intelligences à travers la diversité des parcours des apprenants du programme : ce sont toutes nos réflexions, nos apprentissages en individuel et en groupes qui nous ont permis d’élaborer, conforter, repositionner parfois, enrichir nos dynamiques de projet, jusqu’à leur maturité et leur viabilité. Au sein du groupe, il y avait différentes maturités de projet, de l’embryonnaire, ou d’idée (c’était mon cas) à celui déjà plus charpenté. Nos projets ont été enrichis au fur et à mesure des semaines et des étapes en particulier celle en présentiel durant 5 jours non-stop à l’Hôtel Batelière à la Martinique, au cours desquels nous avons été sur le terrain à la rencontre d’interlocuteurs, en avons reçu d’autres et avons beaucoup travaillé en mini groupes autour de thématiques, tests de connaissance et de personnalité. Ensuite au cours des mois de novembre et décembre, le travail personnel et les points d’étapes hebdomadaires ont été cruciaux. La rédaction de notre mémoire et sa soutenance ont été les points d’orgue avec des projets beaucoup mieux construits et viables.

Le repérage systémique et la hiérarchisation des publics-cibles sur lesquels se concentrer, en priorité puis de manière graduelle dans le temps, pour optimiser la réussite du projet. Les étapes méthodiques d’avancement du projet furent très formatrices.

Trois choses que vous retenez du parcours ?

1. Les ressources très variées (tant sur le plan du leadership, du management que de la transition écologique) et les méthodologies mises à notre disposition par nos formateurs de Kedge Business School et de Make Sense.
2. La bienveillance des formateurs et leur façon de nous amener à être encore meilleurs et les possibilités de rencontres avec des personnes clés tout au long du programme qui nous ont été offertes.
3. L’entraide et la solidarité entre les apprenants.

Jardin créole 2

Vos attentes/espoirs pour la suite ?

Chaque fois que j’expose le projet, les retours sont très positifs. Il faut un minimum d’ambition et se projeter. J’ai donc très bon espoir qu’une ou plusieurs entreprises s’engagent de façon à poser la première pierre d’une ou de plusieurs « aires de détente et jardins créoles écoresponsables » dans le courant de l’année 2021, en présence du Ministre des Outre-mer.

J’aimerais que via le réseau des MPI, nous puissions décliner ce projet dans les autres régions d’outre-mer, j’ai prévu de m’y rendre personnellement si le contexte sanitaire m’y autorise et j’espère pour cela y être encouragée par l’AFD et le ministère des Outre-mer. Il ne s’agit pas ici d’aide en matière financière (nos projets doivent trouver leurs propres financements), mais d’une sorte de « caution morale » si je puis dire ou une forme de « labellisation Mouv’outremer » dans la mesure où le projet a pris naissance et s’est concrétisé au sein même de la formation portée au départ par l’AFD et le ministère des outre-mer. En ce sens, la formation Mouv’outremer est de facto une sorte de « couveuse de projets porteurs de sens et de développement de nos territoires ».

Que le Président de la République puisse visiter l’un de nos jardins référents quand il viendra à la Martinique, ce qui serait un signal fort tant pour les entreprises et les salariés engagés et une marque de suivi du projet au plus haut niveau. En quelque sorte, une sorte de traduction en acte d’une des volontés politiques reposant sur un concept initial, lequel s’inscrit dans une dynamique de transition écologique et responsabilité sociétale des entreprises en Outre-mer.

Que la communauté des Mouver’s demeure tout aussi solidaire. De vraies amitiés sont nées. Puissent-elles perdurer.

Mouv’outremer en 3 mots :
– Concrétisation de projets
– Réseau
– Solidarité.

Portrait Mouv’Outremer – Guadeloupe: Joséphine Notte, « Mon projet est une auberge de jeunesse éco responsable en Guadeloupe, par les jeunes guadeloupéens et pour les jeunes voyageurs internationaux»

40 porteurs de projets très prometteurs et à impacts visant à accélérer les transitions vers des territoires durables, sur des thématiques très variées répondant aux besoins des territoires, ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à candidatures lancé par l’AFD et le Ministère des Outre-mer. Outremers 360 vous présente l’un de ces porteurs de projets. Après la Guyane et la Martinique, nous partons en Guadeloupe à la découverte du projet de Joséphine Notte qui souhaite installer des auberges de jeunesse éco-responsables.


Bonjour Joséphine, merci d’avoir accepté cette rencontre. Comment vous sentez vous prête à répondre aux questions ?

Je me sens.. comme avant d’entrer sur scène ! Avec le même stress que lorsque l’on doit rentrer sous les projecteurs. J’ai fait beaucoup de danse, et j’ai la même sensation, comme un rush d’adrénaline juste avant que la musique démarre.

Pourquoi cette sensation ?

Mon projet représente beaucoup pour moi, il a, d’une certaine manière, toujours été en moi, c’était mon rêve, et jusqu’à mon entrée dans le parcours Mouv’outremer c’était très rare que j’en parle. On va dire que j’attendais “le bon moment”. C’est la première fois que j’en parle en dehors de la communauté.

Et maintenant êtes-vous prête ?

Oui parce que j’ai envie que ce projet devienne une vraie réalité pour la Guadeloupe. Il est temps de passer à l’action car nous vivons actuellement une période de transition, c’est le moment de faire naître de nouvelles idées et de prendre des orientations nouvelles.

Joséphine, comment vous présenteriez-vous ? Comment aimeriez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qui vous caractérise ?

Je me définis comme une passionnée de développements de projets qui ont un impact positif sur les territoires. J’ai commencé mon cursus avec un double diplôme en langues étrangères appliquées, traduction, interprétation et communication interculturelle. C’est au cours de mon apprentissage des langues (anglais et italien) que j’ai commencé à voyager. L’immersion dans une culture, c’est la meilleure façon d’apprendre une langue ! Vite, j’ai attrapé le virus du  voyage et je me suis retrouvée à alterner études, voyages et expériences professionnelles.

Cette diversité d’expériences m’a beaucoup appris et m’a donné envie de me spécialiser en  tourisme. J’ai donc réalisé une maîtrise en « Développement du tourisme » à l’Université du Québec à Montréal en choisissant de me spécialiser sur le tourisme insulaire et stratégie des destinations. Les îles sont en effet des territoires fabuleux mais également plus vulnérables etavec une activité touristique forte. Il est fondamental, pour garantir la durabilité de ces territoires, de penser à un développement et à un aménagement adapté.

La Guadeloupe c’est mon île de cœur, il était donc évident que je me spécialise sur ses dynamiques avec un mémoire “Le potentiel de la destination Guadeloupe à se développer sur le marché international”. Je vois la Guadeloupe comme un territoire qui a un potentiel inégalé.
Cela me passionne de réfléchir à des projets ou à des idées qui la mettent en valeur tout en préservant ce qui fait sa richesse.

A la sortie de ma maîtrise, j’ai participé à un projet de coopération Guadeloupe-Québec dans le cadre du Fond Franco-Québécois pour la Coopération décentralisée. En partenariat avec la Communauté d’Agglomération la Riviéra du Levant et de la Chaire du Tourisme à Montréal, nous avons développé des actions pour faire de la Guadeloupe une « Co destination : c’est-à-dire un territoire à l’image des visiteurs et des visités ». Ce projet m’a ramené au pays. J’ai commencé à travailler dans l’hôtellerie et aujourd’hui je suis consultante en communication.

A la découverte de la Valle de Cocora - Colombie
A la découverte de la Valle de Cocora, Colombie © DR

Du coup c’est le bon moment pour nous parler de votre projet. Quel est-il ?

Mon projet est une auberge de jeunesse éco responsable en Guadeloupe : par les jeunes guadeloupéens et pour les jeunes voyageurs internationaux. La Guadeloupe est une destination qui reste authentique et préservée, je pense qu’il est fondamental d’avoir une politique touristique 100% écoresponsable en choisissant de développer des projets plus respectueux de notre environnement, de notre biodiversité, plus inclusif et qui participe avant tout à embellir le quotidien des guadeloupéens.
L’auberge a vocation à être autosuffisante tant en énergie, qu’en alimentation en eau et recyclage de ses déchets. Je suis convaincue qu’aujourd’hui nous avons la connaissance pour créer des hébergements autosuffisants et à faible impact. C’est ce qui m’anime aujourd’hui : montrer qu’il est possible de faire du tourisme tout en préservant et respectant un territoire.

Comment est née cette idée ?

On peut dire qu’il y a deux éléments déclencheurs à ce projet : tout d’abord mon expérience personnelle et surtout mon amour pour mon île. J’ai eu la chance de beaucoup voyager. Asie, Europe, Amérique latine, Polynésie … Je faisais ce qu’on appelle aujourd’hui du slow tourism: une découverte des cultures et territoires en prenant soin de s’impliquer dans la vie locale avec un travail, du bénévolat ou des études.

Tout ce temps j’ai vécu et travaillé dans des auberges de jeunesse, on peut dire que c’est là que je me suis construite en tant qu’adulte, que j’ai commencé à avoir des expériences professionnelles et des responsabilités. Ce sont fondamentalement les auberges qui ont fait de moi celle que je suis aujourd’hui.

C’est cette opportunité que je veux également donner aux jeunes de Guadeloupe : en participant avec moi au développement et à la pérennité de ce projet j’aimerai leur offrir un complément de formation, une première expérience professionnelle et aussi leur donner envie pourquoi pas d’aller vivre des expériences internationales ! Ce qui est beau dans les auberges c’est l’expérience sociale qui est très riche: on rencontre des gens qui viennent des quatres coins du monde, avec des cultures et histoires différentes et tout le monde cohabite dans la bonne ambiance. Pour moi c’est une belle image de l’humanité.

Pourquoi cet engagement pour les transitions durables et les auberges de jeunesse?

En tant que citoyen, l’engagement durable devrait faire partie de notre quotidien. Si chacun intégrait quelques pratiques plus consciencieuses de leur environnement, nous pourrions plus facilement avancer vers des sociétés plus durables. En Guadeloupe, on vit des situations très contradictoires: d’un côté les coupures d’eau sont un quotidien et on est fortement dépendants de l’importation mais d’un autre on a des conditions favorables pour être autosuffisants: un bon climat, du soleil, une forte biodiversité …C’est donc la raison d’être de mon projet, montrer à travers de l’expérience à l’auberge, qu’il existe des alternatives à la consommation d’aujourd’hui et que ces solutions sont accessibles à tous.

J’aimerai que chaque visiteur puisse rentrer chez soi plus enrichi, avec des pratiques éco-responsables qu’il pourra adapter dans son quotidien. Pour enseigner tout ça, je compte m’appuyer sur le savoir-faire que l’on a en Guadeloupe, en développant des partenariats avec les associations du territoire. Ce sont ces acteurs qui sont l’essence même de la Guadeloupe. En bref, je vois mon auberge comme un grand carrefour de rencontres, chacun partage, échange et reprend son chemin plus enrichi !

Rencontres à Sapa - Vietnam
Joséphine Notre lors de son voyage au Vietnam © DR

Où en êtes vous dans ton projet ? Quels sont les défis que vous rencontrez?

J’ai terminé mon Business plan. Avec la formation, j’ai pris bien le temps de l’enrichir, le challenger, identifier les bonnes parties prenantes et surtout d’avoir un processus de développement bien clair et établi. A présent je suis au stade du passage à l’action: garantir mon lieu d’implantation, trouver des financements et les partenaires qui souhaitent s’engager et me soutenir. Je suis dans l’optique de faire l’auberge “un projet territoire” en adéquation avec son lieu d’implantation. Hors de question d’avancer seule, je veux construire avec la communauté et me développer en harmonie avec leur vision.

Un des plus gros défis actuels, c’est bien sûr la pandémie ! Tout d’abord parce que les investisseurs sont généralement plus frileux, mais aussi parce que le tourisme a pris un gros coup sur nos destinations. La crise du covid est un défi mais aussi une opportunité : Cette situation témoigne que le tourisme, s’il n’est axé que sur de la consommation de masse, et sur les arrivées internationales, il n’est pas viable ! Au contraire, s’il implique des dynamiques et des partenariats forts avec les acteurs locaux, il est plus résilient. C’est cette dynamique que je cherche à créer avec mon projet.

Vous avez identifié le terrain ?

Non pas encore, mais j’ai des pistes ! Dans l’idéal je cherche un grand espace naturel que je pourrais aménager tout en gardant le plus possible l’état naturel du lieu. Une des vocations de l’auberge est avant tout d’offrir un accès et une expérience en nature. Ici la nature est partout, mais pour avoir accès à un logement éco responsable il faut un certain budget. J’aimerai donc pouvoir d’une certaine façon démocratiser les éco hébergements touristiques. Je pense que cela pourrait avoir un impact très positif sur les jeunes et influencer leurs pratiques de consommation ou choix de vie.

Comment est-ce que Mouv’outremer intervient dans tout ca ?

Mouv’outremer est une opportunité fantastique. Tout d’abord, parce que cela m’a permis en répondant à l’appel à projet de tester l’intérêt que le territoire pouvait porter à mon initiative. Il était très important pour moi de valider que ce que je propose va dans le même axe de développement que celui des parties prenantes guadeloupéennes. Ensuite, c’est l’occasion de rencontrer, de créer des liens avec des personnes que je n’aurai sûrement jamais eu la chance de croiser. Nous sommes tous dans la communauté mouv’outremer animés par cette passion et cette volonté forte de faire de demain, un futur meilleur pour nos territoires. Cela donne tellement d’espoir de savoir qu’il existe des gens animés de la sorte ! Une autre force, c’est qu’au sein de la communauté il y a des porteurs, mais aussi des élus, des responsables d’institutions et ensemble on se guide et se conseille pour faire avancer nos projets. Chacun a des savoirs faire différents et ce partage de connaissance nous aide à relever nos défis. On a réalisé une charte de confiance au 1er séminaire. Aujourd’hui elle ne se discute même plus, on a besoin de se voir, de travailler ensemble, on a commencé à prendre notre réalité en main !

On se met à nu, on a un gage de confiance tellement intégré, c’est fondamental, alors que nous venons de tous horizons. Quelle chance de pouvoir échanger avec eux pleinement. Certains m’ont coaché, accompagné, ils m’ont trouvé des solutions. C’est une vraie force.

Un ou des apprentissages marquants sur le parcours Mouv’outremer ? Des acquis ?

Le parcours m’a permis d’apprendre un peu plus tous les jours. Tout au long de la formation j’ai pu challenger, perfectionner, réviser mon projet. Je pense qu’à fin janvier il aura gagné en richesse et en maturité. J’ai aussi gagné en confiance et ai pu développer l’expertise d’outils nouveaux. Aujourd’hui quand j’explique le projet en détail j’ai l’impression que les connexions sont multiples entre chaque aspect du projet. Mouv’outremer m’a aidée à créer des liens, à cadrer, et développer un cheminement pensée adapté à la réalité du terrain.

Faire vivre avant tout mon projet dans les 2 prochaines années à venir ! Concernant mouv’outremer, nous avons créé des liens forts, j’espère qu’il se consolideront toujours plus, que nous réussirons à créer une vraie communauté impactante, qui inspirera toujours plus de personnes à nous rejoindre pour qu’un jour, la communauté puisse être un vrai moteur du changement aux Antilles Guyane. J’espère aussi que les portes s’ouvriront pour les futurs challenges qui m’attendent et que ce rêve que je berce depuis des années deviendra vite réalité tant en Guadeloupe, qu’en Martinique ou en Guyane.

Quelles sont les forces de Mouv’outremer et si vous deviez les résumer en 3 mots, quels seraient- ils ? 

Energie positive, relations humaines riches, communauté d’acteurs engagés pour un meilleur demain ! Entre nous on s’appelle les «Mouvers», je trouve ça tellement cool et je suis vraiment fière d’appartenir à cette communauté !

Portrait Mouv’Outremer – Guadeloupe: Sabrina Rémus, créer « un laboratoire des parties prenantes» afin de favoriser la transition durable

40 porteurs de projets très prometteurs et à impacts visant à accélérer les transitions vers des territoires durables, sur des thématiques très variées répondant aux besoins des territoires, ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à candidatures lancé par l’AFD et le Ministère des Outre-mer. Outremers 360 vous présente l’un de ces porteurs de projets. Aujourd’hui, nous allons à la découverte de la Guadeloupéenne Sabrina Remus qui ambitionne de créer un laboratoire à destination des opérateurs économiques et de la population locale en vue de co-construire la transition durable du territoire.


Bonjour Sabrina, tout d’abord merci pour cet entretien, pouvez-vous commencer par nous présenter votre parcours ?

Je suis guadeloupéenne. J’aime plus précisément me définir comme une « enfant du nord grande terre », tout en étant née dans l’hexagone. Alors que les flux migratoires chez les jeunes se font généralement en sens inverse, j’ai rejoint l’archipel avec ma famille à 15 ans. A partir de là, j’ai pris beaucoup de temps pour découvrir la Guadeloupe, l’observer et la comprendre à travers sa population, et ses réalités. Petit à petit elle m’était plus familière. En la découvrant, je me découvrais moi-même.

Je me suis profondément ancrée dans ce territoire, c’est ma base, je l’ai quittée plusieurs fois pour découvrir ce qui se faisait à l’étranger mais jamais très longtemps. Juriste de formation spécialisée en droit des affaires, j’ai suivi un enseignement de qualité à l’Université des Antilles. J’ai débuté ma carrière professionnelle dans la finance et j’y ai passé quelques années. Mais ce n’était pas un projet satisfaisant pour moi ; je voulais être à mon compte… Me lancer et quand l’opportunité s’est présentée, j’ai sauté le pas…. Cela fait environ 10 ans que je vis les joies et les aléas de l’entreprenariat. Etre entrepreneure c’est être flexible, résiliente. Cela permet de développer une formidable capacité d’adaptation et d’anticipation.

L’an dernier, j’ai décidé de compléter ma formation. Major de ma promotion, j’ai obtenu avec succès mon Master 2 en droit des affaires. Durant cette année, j’ai particulièrement travaillé la question des enjeux environnementaux dans un secteur spécifique, celui des transports aériens. J’ai ainsi saisi l’ampleur des défis que la cause climatique soulève et la nécessité de faire évoluer le droit. Cela m’a décidé à m’engager un peu plus et à contribuer à la recherche sur la thématique écologique en droit. Je vais donc poursuivre dans le cadre d’un doctorat sur les transitions durables et le monde des affaires en Guadeloupe.

Le sujet des transitions durables est un sujet important pour vous ?

L’expression « transition durable » est largement employée de nos jours et pour certaines personnes elle renvoie à l’image d’un sac fourre-tout. Bien sûr, Il y a des exemples évidents qui participent à la mise en œuvre de cette transition et qui sont maintenant mieux compris de tous. C’est le cas de la gestion des déchets ou de la transition énergétique. Mais le terme « transition » nous renvoie à un constat : Il est impératif que nous changions de modèle, dans certains cas que nous changions d’échelle. L’être humain et son modèle de développement actuel, ne peuvent pas perdurer. Il y a trop d’indicateurs qui nous indiquent l’urgence de changer de direction (je pense à la surexploitation des ressources, la destruction des écosystèmes et le non-respect des droits humains, d’accès à la santé, à un environnement sain, à un climat stable…). La transition m’évoque l’idée d’un mouvement… qui est d’abord impulsé puis doit se généraliser. En effet, on observe une dynamique, issue d’une prise de conscience mondiale, généralement projetée par le haut avec de grands accords internationaux (type COP 21 et Accord de Paris). Puis ces accords se traduisent au niveau national par des politiques et stratégies à mettre en œuvre. Cette transition est ensuite animée par des acteurs économiques publics et privés à l’échelle choisie (locale, régionale, nationale, internationale). Il y a un véritable transfert des engagements en faveur d’une société durable aux acteurs locaux. Je considère que les 40 participants de Mouv’outremer, sont parmi les animateurs de cette transition à l’échelle locale. Nous portons des projets qui doivent mener nos territoires vers une autre voie.

Qu’est-ce que cela implique pour vous ?

Plus clairement, ma définition de ce qui est durable renvoie à ce qui est adapté et soutenable par un territoire, sa population et son environnement. Chaque décision prise doit venir conforter un projet de société qui réduit les effets négatifs sur un plan social et environnemental, en privilégiant le bien commun. Une société inclusive reconnaît et prend en compte les enjeux de toutes les parties prenantes et leur donne des moyens d’expression.
En réalité, la voie de la transition durable est une opportunité dont nous devons tous nous saisir, car elle nous conduira à un développement endogène, c’est-à-dire conforme aux spécificités locales. Et pour cela il faut inclure toutes les parties prenantes.

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Quel est donc le projet pour les transitions durables que vous portez ?

Une profonde réflexion sur la transition dans un territoire insulaire comme la Guadeloupe y a fait germer en moi l’idée d’un « laboratoire des parties prenantes ». Puisque la transition est l’affaire de tous, chacun est une partie prenante qui mérite d’être impliqué à son niveau ainsi que d’être doté des moyens pour le faire.

L’idée de départ est que les collectivités publiques ou les entreprises doivent réorienter leurs stratégies sur le territoire, afin qu’elles soient plus inclusives et plus durables. Or bien souvent, les décisions sont conçues en comité réduit excluant généralement une partie prenante essentielle, le citoyen. Une fois mis en œuvre, les projets peuvent sembler incomplets ou inappropriés aux yeux des communautés locales, justement par manque d’inclusion. Cette situation renforce les inégalités et un sentiment d’injustice au sein des populations locales. Cela est source de conflits et peut créer une véritable fractureau sein de la Société. Dans les Outre-mer, il y a un exemple marquant auquel je pense, celui de la Montagne d’Or, en Guyane. Cet exemple nous montre qu’autour de l’exploitation et/ou de la préservation des ressources naturelles, il y a des intérêts divergents qu’il faut concilier pour tendre vers un intérêt général.

Le projet consiste donc à créer un espace, un laboratoire conçu comme un trait de liaison entre parties prenantes où l’on puisse créer des outils de concertation sur mesure, les expérimenter, les mettre à disposition et les animer pour des collectivités et des entreprises de bonne volonté dans cette démarche participative et d’interaction avec le citoyen.

Comment éviter la conflictualité dont vous parliez ?

Il existe des moyens innovants pour comprendre les enjeux d’une communauté locale, faire valoir ses intérêts et réduire les effets négatifs des activités, décisions et actes qui l’affectent.

L’objet du laboratoire est de développer et mettre en œuvre des méthodologies ou des outils qui favorisent la participation de l’ensemble des intérêts aux processus de décision. Ces méthodologies relèvent notamment de la consultation, de la concertation et des démarches participatives citoyennes. Je le vois comme un laboratoire car il n’y a pas de solutions toutes prêtes ! Il faut challenger, essayer, expérimenter, collaborer et construire ensemble… Prendre en compte l’impact de mon action sur l’autre m’oblige à entrer dans une démarche qui consiste à entamer un dialogue avec lui. Cela n’est pas une chose aisée. Cela se construit.

La démarche du laboratoire vise aussi à inclure un grand nombre de membres de la communauté. Elle favorise la diversité des voix et augmente la visibilité des communautés qui peuvent être marginalisées ou rendues invisibles. Pour les entreprises, ce projet intervient plus précisément dans le champ de leur responsabilité sociale et environnementale.

Pourquoi votre engagement pour les transitions durables, qu’est-ce qui vous tient à cœur ?

Je vis au quotidien l’insularité de mon territoire et sa vulnérabilité. En cas de force majeure, grève, séisme, ouragan, nous ne pouvons compter que sur nous-même. Le dérèglement climatique impacte fortement la Guadeloupe, Je vis aussi les sécheresses extrêmes, l’érosion côtière et tous les autres changements physiques que connaît la Guadeloupe! Nous sommes sur un petit territoire qui a plusieurs défis à relever. Notre insularité nous rend plus vulnérables que les autres. Nous sommes particulièrement exposés. Sur un plan économique, nous dépendons de l’importation. Sur un plan social, nous pâtissons d’une croissance démographique négative et sur le plan environnemental, nous avons des problématiques majeures à traiter. Comme je l’ai exprimé, plus que jamais, tout acte posé, toutes décisions prises comptent pour l’avenir de chacun et le bien commun. Qui plus est, le réchauffement climatique ne nous donne pas le droit à l’erreur, c’est un facteur d’amplification des risques auxquels nous sommes déjà exposés. Mais j’ai confiance, car en Guadeloupe, comme ailleurs dans la Caraïbe, nous avons développé un super pouvoir : la résilience, qui est notre très grande capacité à surmonter les obstacles et à nous re-mettre en mouvement. Il nous faut donc activer ce super pouvoir et le renforcer en recourant plus souvent à une intelligence collective. Elle repose sur la reconnaissance en chacun de nous, d’un savoir, d’une expérience profitable au bien commun. C’est de cette façon que nous pourrons construire une Guadeloupe plus inclusive. Pour résumer cette idée je pourrais citer l’anthropologue Charles Gardou: « L’idée de société inclusive implique une intelligence collective de la vulnérabilité, conçue comme un défi humain et social à relever solidairement ».

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Quels sont les défis que vous rencontrez et de quelle façon Mouv’outremer vous a aidé à y répondre ?

Ce sont les défis que tous les porteurs de projet rencontrent. Il faut pouvoir se dégager du temps, se consacrer au projet. Il faut trouver des ressources humaines et financières. Et la vie ne s’arrête pas. Au quotidien, il faut tout mener de front et ne pas se décourager. Sur ce point, je peux dire que la formation Mouv’outremer m’a offert un environnement propice au développement de mon projet. Je ne dirais pas qu’elle agit comme un incubateur, car elle reste d’une durée courte, tout en étant ponctuée de temps forts en présentiel. Par contre, je la vois comme un réacteur propulseur. Cela tient au fait qu’elle est conçue sur un mode pratique que je décrirais en ces termes, réflexion – action – réaction. On est poussé à avancer, à challenger ses idées, à modifier son approche. J’ai parfois eu l’impression de littéralement me mettre la tête à l’envers pour envisager les choses sous un angle nouveau ! C’est assez efficace et avec du recul, c’est ce que la transition durable nous demande.

Mouv’outremer m’a permis d’extraire l’essence même de mon projet. Ensuite je me sens portée par la communauté des 40 porteurs de projets de cette formation. Nous sommes de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique. Eloignés géographiquement mais nos projets entrent en résonance et se font écho. Il y a une véritable synergie entre nous, chacun est une mine de ressources et de compétences à lui-même, mise à la disposition des autres. C’est précieux, et je vis une formidable expérience à leurs côtés et je les en remercie.

Pouvez-vous nous donner 3 choses que vous retenez du parcours ?

Il y a d’abord, le 1 er temps en présentiel en Martinique, qui a pour moi officialiser la formation et qui a donné naissance à cette communauté. Des liens se sont créés.

Je me suis aussi fortement imprégnée des deux visites sur site, notamment la rencontre organisée avec l’association « Lasoté » à Fond Saint Denis en Martinique. Le terme « Lasoté », est celui d’une tradition ancestrale de travail de la terre que l’on retrouve dans les mornes pitons de Martinique. En réalité la pratique « Lasoté » n’est pas isolée car elle existe sous d’autres noms dans les autres régions de la Martinique, mais aussi en Guadeloupe. Ce qui rassemble ces pratiques sont des valeurs communes, d’entraide, de solidarité et donc d’inclusion de l’homme dans un groupe, dans un même espace et dans un même temps. Cela a participé à lutter contre la vulnérabilité de ces sociétés, qui disposaient de bien moins de moyens que nous en avons aujourd’hui. Cela m’a amené à repenser mon projet, j’ai replacé l’humain au cœur de ma dynamique., comme acteur du changement d’un modèle d’organisation sociale.

Ensuite, je retiens la communauté, ce réseau sur lequel je peux m’appuyer et qui parle le même langage que moi, en tout cas qui est mû par le même élan. Enfin la flexibilité de la formation et des formateurs/facilitateurs, comme ils se désignent eux-mêmes. Ils n’hésitent pas à opérer des ajustements ou à ajouter des éléments en fonction des besoins que nous exprimons.

Quels sont vos espoirs pour la suite ?

Nous sommes des dizaines de porteurs de projets, ils ne vont pas tous aboutir au même moment. Bien sûr tout dépend de la taille du projet et de son niveau de maturité mais je souhaite que le moment venu, ils rencontrent tous l’adhésion et le soutien des collectivités et des financeurs. Ils ont fait l’objet d’une présélection, cadrent avec la trajectoire définie pour les Outre-mer. Ils sont donc plus que légitimes et méritent d’aboutir.
La dernière phase de la formation doit amener au prototypage, et à parfaire un business model. J’en attends beaucoup, c’est une étape cruciale qui doit nous permettre d’amener le projet en phase test, démontrer sa faisabilité et convaincre nos futurs interlocuteurs.

Portrait Mouv’Outremer- Martinique: Annick Comier, Adapter la pratique ancestrale du « Lasoté » à une gouvernance politique.

40 porteurs de projets très prometteurs et à impacts visant à accélérer les transitions vers des territoires durables, sur des thématiques très variées répondant aux besoins des territoires, ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à candidatures lancé par l’AFD et le Ministère des Outre-mer. Outremers 360 vous présente l’un de ces porteurs de projets: Annick Comier, maire de la commune rurale de Fonds Saint Denis à la Martinique ambitionne de dévélopper des actions citoyennes dans sa commune en s’appuyant sur la pratique du « Lasoté ».

Pouvez-vous vous présenter et nous décrire votre parcours ?

Je suis Maire de la commune de Fonds St Denis, commune de 730 habitants, rurale de surcroit, avec une végétation riche, abondante, exubérante. C’est l’un des poumons verts de la Martinique. C’est une commune à vocation agricole. Ma prise de poste est très récente. J’ai été élue le 15 mars 2020. Avec la phase de transition liée au 1er confinement, ma prise de fonction effective a été le 23 mai 2020. Je suis agent de la fonction publique territoriale, auprès de la Collectivité Territoriale de Martinique. Mes domaines d’expertise : le développement local, une bonne connaissance du tissu agricole et du développement agricole en Martinique. Ce dernier est un sujet passionnant mais quelque peu frustrant car en Martinique, la question du développement agricole est un sujet quidevrait être plus considéré qu’il ne l’est. Ce qui m’a amené à la politique: il y a 2 ans, j’ai été interpellée par des administrés sous la forme « pourquoi ne pas.. », à ce moment-là je n’ai pas bougé. Mais en 2019, j’ai à nouveau été interpellée par une nouvelle administrée, ce qui m’a décidé, car la demande est venue de la population de mener une action politique pour la commune. Je suis originaire de Fonds de St Denis, j’y ai vécu toute ma vie. Du haut de mes 49 ans, je n’ai laissé la commune que 4 années, le temps de faire mes études supérieures en Hexagone mais tout le reste de mon parcours scolaire/ étudiant en Martinique.

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Qu’est-ce qui vous a donné envie de postuler de vous inscrire à la formation Mouv’outremer ?

Je suis de formation agricole, j’ai eu aussi à faire une formation en ingénieure du développement de territoire, du coup les missions de l’AFD en Afrique méditerranéenne je les connais. Le contenu de la formation correspondait à notre programme politique. Il y avait une réelle cohérence avec les actions que nous prévoyons au sein du programme

Quel est le projet que vous allez déployer avec le dispositif Mouv’outremer ?

Mon projet initial était la valorisation des terres incultes. L’idée était d’accompagner les populations sur l’exploitation des terres incultes et leur partage car ces terres sont souvent en indivision. Il est donc important d’accompagner la population sur ces questions, de la former, de faire en sorte que les décisions soient prises ensemble et servent au plus grand nombre. Avec à l’issue du processus une valorisation des terrains soit par la mise en location des terrains, soit par une exploitation agricole ou simplement de l’entretien de parcelles et de la récolte de fruit, ou la mise en place de sentiers de randonnée. C’était mon objectif de départ. Mais petit à petit, je me suis rendue compte qu’il ne fallait pas mettre la charrue avant les bœufs et qu’il y a d’autres étapes importantes à mettre en place pour arriver à cela. Avant de travailler sur des actions aussi concrètes, engageantes et complexes que l’indivision, il faut déjà avoir mis en place un système de gouvernance partagée solide et ancré, installer une dynamique collective pour ensuite mettre en œuvre les projets. Pour y arriver, il faut impulser une dynamique citoyenne, que la population considère la commune comme la sienne, qu’elle se l’approprie, qu’elle se sente actrice de son territoire. C’est d’ailleurs une action que j’ai impulsée pendant ma campagne pour les élections et c’est l’une des raisons pour lesquelles je mesuis impliquée en politique. J’étais agacée par les discours politiques habituels qui font croire aux populations qu’elles sont dépendantes des actions publiques.

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Mon projet in fine n’a donc pas changé, mais j’ai recentré mes priorités. Mon objectif aujourd’hui, avant de travailler sur le contenu des projets, est de faire de l’action citoyenne : expliquer ce qu’est une collectivité, un conseil municipal, les différents champs de compétences etc pour contribuer à cette appropriation. Par quoi est-ce que ça passe ? Ca passe par des réunions publiques, unecommunication régulière (flyers, bulletins municipaux, affichages), via des consultations publiques également pour que les décisions ne soient pas prises uniquement par le conseil. Cette actioncitoyenne ne se limitera pas uniquement à de la consultation mais suscitera une vraie implication de la population dans le développement du territoire.

Pour Mouv’outremer, je vais un peu plus loin pour dérouler et construire mon projet de sortie de formation. Je garde le même cadre d’action citoyenne, mais je centre encore plus mon action, enprenant comme angle d’approche une pratique ancestrale, le « Lasotè », qui se traduit par « coup de main, en entraide ». Je veux réactiver, adapter et appliquer cette pratique à une gouvernancepolitique. Aujourd’hui les ressources de la collectivité vont en diminuant tandis que les besoins vont en augmentant. Notre objectif à travers cette pratique ancestrale, est d’en faire un cadre, un outil de réappropriation de la commune, du territoire par ses habitants et faire en sorte que la population devienne acteur des décisions prises au niveau de la commune, ainsi qu’acteur du développement de la commune. En faisant attention toutefois à l’équilibre décisionnel, la décision finale appartenant tout de même au Conseil Municipal.

Comment est-ce que vous reliez cela aux objectifs de Mouv’outremer sur le développement durable?

De deux façons différentes. A travers ce projet il s’agit selon moi de permettre à une commune d’être résiliente, de faire face à ses difficultés, donc ses vulnérabilités, et notamment la baisse desressources, la gestion des collectivités, la gestion des risques. En renforçant le collectif et la conscience du collectif en terme de responsabilités partagées on s’appuie sur les forces vives et on permet une meilleure action et une meilleure résilience. Cela rejoint le « zéro vulnérabilité et le zéro exclusion » du dispositif. Par ailleurs les projets qui seront menés à travers cette dynamique, comme
celui de la valorisation des terres incultes, l’agriculture ou la mise en place de sentiers de randonnée verts s’inscrivent directement dans la valorisation du patrimoine et la protection de l’environnement.

Qu’est-ce que qui vous a amené à prendre conscience qu’il fallait réorienter ou prioriser différemment la construction de votre projet ?

Cela s’est fait à travers les supports et les contenus de cette première partie de formation, notamment sur les ODD et la structuration de projet que l’on a eu. C’est également aussi l’exemple d’une autre collectivité qui est dans la même dynamique citoyenne. Leur dynamique citoyenne n’est cependant pas aussi poussée que celle que je souhaite mettre en œuvre. Ils ont plus de moyens financiers que nous (notre dotation annuelle de fonctionnement est limitée), donc notre marge de manœuvre est faible en termes de trésorerie. Il est impératif pour nous de trouver des ressources ailleurs. Partant de là, la dynamique citoyenne est une nécessité pour nous : on peut mobiliser la population sur des actions bien précises comme remettre en place la pépinière de la commune, octroyer des espaces à aménager à la population, en lien avec les ODD. Pendant le 1 er séminaire présentiel de Mouv’outremer, le groupe a fait une visite terrain dans notre commune, ils ont pu assister au labour collectif d’une parcelle en vue de la mise en place de culture. Par le passé cette notion d’entraide autour du Lasotè faisait partie prenante du fonctionnement de la communauté. Par exemple, la population se regroupait l’après-midi et si l’un d’entre eux avait une parcelle à labourer, les voisins venaient l’aider puis c’était le tour de quelqu’un d’autre. La pénibilité de la tâche était réduite du fait du collectif pour mener une action bien précise.

La problématique de main-d’œuvre à recruter ne se posait pas car la valeur travail était partagée au sein de la population. C’est ainsi que se sont développées le principe des tontines pour les funérailles: toute la communauté s’associe pour financer des funérailles décentes. Ces tontines aujourd’hui se sont transformées et sont devenues des mutuelles décès.
Maintenant, concernant ces actions à mener avec la population, je me pose encore un certain nombre de questions : jusqu’où il est possible d’aller dans la démarche ? Mobiliser la population pour
les décorations de Noel dans la commune pourrait être un moyen de compenser le manque de fonds de la commune, en plus du faire ensemble. Mais il y a quand même un risque : comment intégrer tout cela dans le patrimoine de la commune si cela a été donné à la commune ?

Qu’est-ce que vous attendez de la formation pour accomplir tout cela ?

La formation m’a aidé à prendre conscience et à identifier les limites. Savoir jusqu’où aller dans cette démarche : obligations légales, données juridiques, responsabilités… J’ai réalisé que toutes cesquestions sont à étudier et envisager. La formation, à travers les échanges avec les uns et les autres, m’a apporté un regard extérieur. La visite terrain dans ma commune et une mini conférence animéepar mon adjoint notamment a permis des échanges fructueux qui sont venus enrichir notre projet.
Ce regard extérieur a permis de nouvelles idées, fait émerger de nouvelles possibilités et m’a donné envie d’approfondir d’autres aspects non envisagés jusqu’alors sur le projet. Jusque-là pour moi tout était possible et je n’avais pas pensé aux limites. L’implication de la population dans la gouvernance se limitait à des communications, partant du principe par ailleurs que tout administré doit savoir ce qui se passe dans la commune. J’ai pris conscience qu’il y avait des limites à prendre en compte, autant sur les informations à partager que sur les modes d’animation ou la capacité des uns et des autres à intégrer la dynamique.

Le contenu pédagogique de la formation est également une source d’enrichissement. C’est le contenu sur les ODD qui me nourrit en ce moment, je récolte des informations qui me permettent
d’amender le projet. Une fois compilées, il faudra redéfinir et creuser des axes d’intervention. La formation m’a permis par ailleurs de structurer et questionner de façon intéressante mon projet et mon approche et de réorganiser l’information en ma possession et les actions qui en découlent.

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Quelles seraient tes prochaines étapes ? Tes prochains défis ?

Compiler les informations, les organiser , pour avoir une meilleure vision sur la façon de mener le projet ; je sais où je veux arriver et d’où je pars mais je dois définir le contenu entre les deux. Le 2 ème séminaire devrait m’apporter des outils intéressants.

J’aimerais sortir de la formation avec un livrable, un projet, une solution d’accompagnement pour la collectivité. J’attends de la formation qu’elle m’aide à formaliser tout cela, à rédiger un projet complet. J’ai pu rencontrer d’autres acteurs de l’AFD Martinique, et on a pu discuter de synergies possibles, l’un des projets de l’agence locale étant d’accompagner les collectivités dans la mise en place de nouveaux modèles de développement. L’une des participantes de Mouv’outremer, formée sur la démocratie participative, nous a donné des éléments de compréhension vraiment utile, et une séance de travail est prévue avec elle. La communauté, avec tous les porteurs de projet est vraiment riche. Le gros apport de la communauté c’est la mise en réseau.

Ton rôle, ton impact au sein de cette communauté ?

La visite terrain et ce que j’ai pu partager de ma vision a eu un impact fort auprès des autres porteurs de projet. Certains m’ont dit que cela leur redonnait espoir sur une gouvernance politique différente,que cela amenait un message différent, avec plus d’espoir. Du coup aujourd’hui, certains se posent la question d’une autre politique et de leur engagement. Aujourd’hui ils se posent la question : « qu’est–ce que je peux faire moi, en tant qu’acteur des transitions durables pour participer à la vie politique et faire en sorte que ça change ? » et ceci à leur niveau, dans leur commune. Nombreux sont ceux qui vont avoir envie d’agir en se demandant comment agir. On a tous une vision sur le développement durable mais on ne s’implique pas pour autant pour se faire entendre. Cela vient rejoindre les objectifs de Mouv’outremer : faire en sorte que l’on puisse avancer dans un monde meilleur, avec un respect pour l’humain, en mettant l’humain au centre de toute chose !

Portrait Mouv’Outremer- Guyane: Brice Epailly, « Notre projet, le Centre International des Bioressources Amazoniennes se propose de conserver, multiplier, et valoriser les bioressources amazoniennes».

40 porteurs de projets très prometteurs et à impacts visant à accélérer les transitions vers des territoires durables, sur des thématiques très variées répondant aux besoins des territoires, ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à candidatures lancé par l’AFD et le Ministère des Outre-mer. Outremers 360 vous présente l’un de ces porteurs de projets: Brice Epailly, un ingénieur agronome guyanais qui projette de mettre en place un Centre International des Bioressources Amazoniennes, une plateforme multi-sites visant à « conserver, multiplier, et valoriser les bioressources amazoniennes».


Pouvez-vous vous présenter et nous décrire votre parcours ?

Je suis consultant en ingénierie environnementale, Ingénieur agronome de formation, je développe des projets de développement durable en Guyane depuis 2016 avec NovAmazone, Bureau d’étude que j’ai fondé. Né en Guyane, après avoir obtenu mon baccalauréat Scientifique au Lycée Léon Gontran Damas à Remire-Montjoly, j’ai poursuivi mes études en obtenant un BTSA en production agricole LEGTA Federico Garcia Lorca à Perpignan. J’ai ensuite complété avec succès le parcours d’ingénieur agronome de l’Institut national d’Horticulture et de Paysage à Angers. Diplôme à la suite duquel j’ai décidé de revenir en Guyane avec la motivation de contribuer à son développement socio-économique.

Qu’est-ce qui vous a motivé à postuler à Mouv’outremer? Qu’attendez-vous de cette formation ?

Je suis convaincu de l’impact positif qu’un projet comme le mien peut avoir sur le territoire de la Guyane, son caractère innovant et inédit nécessitait pour moi de le confronter à d’autres projets d’envergure afin de l’optimiser pour maximiser ses retombées pour la Guyane et peut-être rayonner sur les autres département d’Outre-mer. La reconnaissance de mon projet dans un parcours organisé par les acteurs institutionnels de premier plan que sont le Ministère de l’outre-mer et l’AFD, était pour moi une opportunité à saisir afin de mettre en avant mon projet et confirmer son adéquation avec les politiques publiques actuelles. C’est également une formidable opportunité d’étendre mon réseau professionnel par les liens créés avec des experts des autres DOM dans des domaines d’activités variées et en lien avec la transition écologique.

En quoi consiste votre projet ?

La forêt Amazonienne est dotée d’un génie infini qui a été développé et entretenu sur plusieurs millénaires par ses habitants dans un bénéfice mutuel, il est donc important de perpétuer cet héritage pour répondre aux défis de demain. Notre projet, le CIBA, Centre International des Bioressources Amazoniennes se propose de conserver, multiplier, et valoriser les bioressources amazoniennes. En établissant une passerelle entre les acteurs de la recherche et le monde économique, le CIBA adopte une démarche de capitalisation des connaissances et des savoirs acquis qui sont ensuite rendus accessibles au plus grand nombre. Ainsi l’intérêt de la population pour son patrimoine naturel est stimulé, et elle en devient la première gardienne. Situé à Montsinéry-Tonnegrande (à 30 minutes de Cayenne), il se présentera sous la forme d’une plateforme multi-pôle comprenant notamment :
– Arboretum et Serres de conservation,
– Parcelles agroforestières de productions spécialisées
– Pépinières et espaces de ventes
– Ateliers de valorisation éco-industriels
– Laboratoire de Recherche et Développement
– Maison des savoirs
– Centre de production audiovisuel
– Ecolodge
– Boutique spécialisée dédiée

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© Merwen

Plus qu’un projet, c’est déjà une réalité qui a commencé avant la formation par une première phase de démonstration démarrée en 2016 avec la création d’une filiale agricole qui a commencé le développement d’itinéraires agroforestiers. Sur notre premier site de 68 ha nous avions démarré nos essais avec la mise en culture d’une quinzaine d’espèces végétales que j’avais identifié avec un fort potentiel de valorisation. L’objectif de cette première phase était de pouvoir tester des associations de cultures et différents types de travaux du sol et amendement pour vérifier leur adéquation avec le terrain naturel d’implantation du projet. En Mars 2018 avec l’institut de la formation continue de l’Université de Guyane nous avons co-organisé la venue du Dr. Godfrey Nzamujo, fondateur des centres Songhaï au Bénin, dans la continuité du cycle de conférence qu’il a donné en Guyane nous avions organisé une journée d’échange sur notre site ouvert pour l’occasion au grand public et aux agriculteurs pour échanger sur les pratiques agroécologiques. La reconnaissance du travail accompli et les encouragements reçus par le Professeur Nzamujo qui est une de mes sources d’inspiration m’a conforté dans l’idée de poursuivre ce projet malgré les difficultés que je pouvais rencontrer à ce moment-là.

Notre expertise et volonté d’agir étant maintenant reconnues, fin 2019, nous sommes passés à une nouvelle phase avec la sélection de notre site pour accueillir une expérimentation du CIRAD sur le comportement en condition de mise en culture d’une sélection de cacaoyers endémiques de Guyane dit « Guiana ». Cet essai fait partie d’un programme plus large porté par le CIRAD visant la capacitation et l’émergence de la filière Cacao Guiana de Guyane (C2G2), piloté par la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) et financé sur des fonds FEADER. Nous avons intégré cet essai à une nouvelle parcelle agroforestière développée sur la base de nos premiers retours d’expérience, elle intègre sur une surface de 15 000m2 une combinaison d’espèces pouvant être valorisées pour des usages alimentaires, aromatiques, médicinales, cosmétiques ou qui contribue à rendre des services aux autres plantes installées.

La démonstration de la faisabilité technique des processus de production de ces matières premières biosourcées est maintenant acquise, il nous faut passer à une phase d’accélération pour répliquer notre démonstration à une échelle intermédiaire pour développer une production de base permettant une rentabilité des unités de valorisation éco-industrielles pilotes qui seront installées.

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Sur quelles problématiques d’objectifs de développement durable repose votre projet ?

Mon projet se trouve au carrefour des différentes filières économiques majeures pour le développement d’un territoire que sont l’agriculture, la forêt, la production d’énergie. Il s’insère naturellement dans le dispositif Mouv’outremer et les 5 grands ODD retenus comme champs d’application pour la mise en œuvre des projets car en effet il contribue aux objectifs de :

– Zéro Carbone, par le développement d’itinéraires techniques de mise en valeur agricole optimisée dans la gestion du carbone et notamment en favorisant les solutions visant l’augmentation du pouvoir de séquestration du carbone par le sol et les plantes. Il contribue également à la reforestation et à la réhabilitation d’habitats naturels dégradés par l’activité d’une ancienne exploitation agricole.

– Zéro Déchet, par le fait de développer un modèle économique basé sur une économie circulaire locale. En réunissant l’ensemble des processus de production et de valorisation sur un même site nous réduisons la production de déchets. De même nous adopterons pour les produits à
commercialiser des éco-emballages recyclables ou compostables.

– Zero polluant, par l’adoption d’un principe fondateur d’utilisation de O produits phytosanitaires de synthèse sur nos cultures, une gestion de la fertilisation organique et minérale raisonnée.

– Zero exclusion, par le souhait de développer des services de formation contribuant à l’insertion professionnelle de personnes éloignées du monde de l’emploi. De même l’ensemble des activités développées favorise les échanges entre les générations et les classes sociales par la valorisation du patrimoine culturel amazonien, socle de notre identité et condition d’un bien vivre ensemble.

– Zero vulnérabilité, par sa démarche globale qui vise à développer des solutions qui permettent de lutter contre le réchauffement climatique, à titre d’exemple nous avons contractualisé des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) depuis le démarrage de notre activité. Aujourd’hui nous en sommes à plus de 4 Km de ripisylves que nous nous engageons à préserver pour la rivière qui borde nos sites et les criques qui les parcourent.

Je suis également sensible à l’appel du Président de la République d’ajouter un sixième 0 qui est celui du 0 déni de responsabilité, il est donc le bienvenu en Guyane pour constater qu’à titre personnel je prends ma part de responsabilités et que je continuerais de les prendre car je souhaite offrir un avenir dans un monde soutenable à ma famille et plus largement aux habitants de notre territoire. Le défi d’atteindre les objectifs du développement durable fixé par l’ONU relève bien de notre responsabilité collective et nul ne doit s’en exonérer.

Quels sont les défis que vous rencontrez aujourd’hui et de quelle manière la formation vous aide à y répondre ?

Le principal défi est d’ordre organisationnel et financier, au delà des levées de fonds à obtenir pour la mise en oeuvre du projet, il y a un travail préalable pour finaliser la stratégie de développement du projet (étude techniques, études de marchés, business plan consolidé) qui nécessite un volume d’ingénierie conséquent que j’autofinance seul pour l’instant et qui me limite dans l’accélération de la mise en route du projet. Il faudrait que je puisse faire appel à d’autres prestataires (ingénieurs, architectes, financiers, juristes, marketing manager). Idéalement , que je puisse me rémunérer sur le développement de mon propre projet (esprit de la Start up qui réalise une levée de fond pour poursuivre son développement avant de rentrer en phase de production) car il nécessite théoriquement 100% de mon attention pour passer à l’action véritablement. Une des solutions serait de trouver des business angels ou attribuer des participations à une société de capital risque tout en ayant recours à l’emprunt.

La formation m’aide à répondre à ces défis dans la mesure où mon projet gagne en visibilité vis-à-vis des potentiels financeurs. Elle participe également au développement de mes compétences personnelles, c’est peut être là, le plus important de se former soi-même avant de vouloir faire changer les autres. La transition écologique est un sujet sérieux qui implique de bouleverser des habitudes auprès de millions de personnes. Avec l’émergence de « leaders du changement», les territoires ultramarins peuvent en être une formidable vitrine sur le monde de la transition écologique puisque présents sur tous les océans. Parmi nous certains ont un «leadership naturel» dans leur domaine d’activité et de compétences néanmoins nous avons chacun encore à apprendre des uns et des autres et sur nous même pour passer à l’action durablement.

Sur le volet organisationnel, le fait de pouvoir découvrir de nouveaux outils et méthodes de travail me permet également d’adapter ma façon de travailler et d’améliorer mon fonctionnement interne.
Mais on ne va pas se mentir, un projet comme celui-là par son ampleur nécessite maintenant de pouvoir recruter une équipe projet dédiée à sa mise en œuvre. J’ai déjà une partie de mon équipe opérationnelle qui est en Guyane, d’autres sont encore en formation et je les conseille justement dans leurs orientations. La matière grise doit se rémunérer à sa juste valeur, le volet financier reste donc le principal défi. La Guyane est une terre de talents et je compte bien mettre tout en œuvre pour réussir à capter ceux qui s’inscrivent dans la dynamique. L’urgence climatique, sociale et économique est là, nous sommes condamnés à réussir !

Nous sommes presque à la moitié du parcours de formation. Quelles sont les retombées/apports majeurs du parcours sur votre projet et pour vous personnellement ?

La première retombée est que du fait de ma sélection je peux m’appuyer sur cette étape franchie : quand je présente mon projet à des futurs partenaires et j’ai bien entendu remarqué que l’attention de mes interlocuteurs est de suite retenue lorsque j’annonce le fait d’avoir été retenu dans un concours organisé par le Ministère des Outre-mer et l’AFD. La motivation que j’avais pour le concours m’a poussé à faire réaliser une vidéo de présentation que j’ai ensuite postée sur LinkedIn et en 2 semaines elle est passée à plus de 1900 vues, avec beaucoup de message de soutien et de contacts qui en ont découlé, cela veut dire que les gens attendent de moi quelques choses de dynamique et d’innovant comme le CIBA.

Je compte sur Mouv’Outremer pour jouer ce rôle d’accélérateur de projet que j’attends. Parce qu’en effet il ne faut pas en rester à une énième énumération de nos potentiels, il faut maintenant mobiliser autour de nous les acteurs de la finance, du droit et les institutions pour mettre en place les conditions administratives, juridiques et financières de la réussite de nos projets.

Si je devais résumer en 3 mots le parcours Mouv’Outremer aujourd’hui je dirais : Partage, Entraide, Développement. En effet la communauté Mouv’Outremer représente pour moi une véritable Task force d’experts qui pourrait être mobilisée au service de nos territoires, que ce soit par les collectivités, les administrations ou les privés pour les appuyer dans le développement de leurs projets.

Martinique : Le premier séminaire du dispositif Mouv’outremer mis en place

Cette semaine, à l’hôtel La Batelière, s’est tenu le premier séminaire du dispositif Mouv’outremer. Lancée par le Ministère des Outre-Mer et l’Agence Française de Développement, cette formation-action a pour objectif de faciliter l’accélération des transitions durables dans les territoires d’outre-mer. Ainsi, Mouv’outremer est à la fois un programme d’accompagnement innovant et une communauté d’acteurs engagés.

La première promotion Antilles Guyane réunit 40 porteurs de projets qui ont été sélectionnés parmi 228 candidatures issues de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de St Martin. Les thématiques des projets sélectionnés sont diverses : le développement économique et appui à l’entreprenariat local, l’inclusion sociale et numérique, la lutte contre l’exclusion des personnes en situation de précarité ou fragiles, la protection de l’environnement et l’adaptation au conséquences du changement climatique, habitat durable etc.

Au travers de diverses rencontres avec des experts locaux (visites terrain et table ronde) le premier séminaire a offert aux participants l’opportunité d’affiner leur projet et de développer certaines compétences clés du XXIème. L’objectif de la phase 2 leur permettra de continuer dans ce sens sur le prototypage, le test et le déploiement de leur projet adapté aux enjeux et opportunités locales.

En tant que pionniers et ambassadeurs de Mouv’outremer, les participants ont témoigné de leur engagement dans la suite de la formation mais au-delà, pour partager leurs savoirs et apprentissage au sein de la communauté par la suite.

Interview avec Coraline de Petit Cocotier : “Il faut une diversification des sources pour qu’on puisse gagner plus d’autonomie en Martinique !”

Qui êtes-vous ?

Je suis Coraline Meril, j’ai quitté la Martinique à 20 ans après ma prépa. A la base je suis ingénieure chimiste mais très vite, rester dans un laboratoire ne m’intéressait pas : j’ai donc glissé vers une carrière de commerciale en B2B. Après 8 ans en France, je suis rentrée en Martinique et je me suis reconnectée avec Cédric Colman et André-Judes Cadasse de Petit Cocotier que je connais depuis le lycée. 

En novembre 2019, ils ont été lauréat du concours Innovation Outre-Mer Network et ont remporté le prix de la catégorie “développement durable”.  Ça a marqué un tournant pour l’entreprise. J’ai rejoint l’équipe pour structurer l’existant et voir comment aller plus loin, en termes d’ingénierie de projets. 

C’est quoi Petit Cocotier ? 

C’est au départ une histoire familiale : André-Judes et son frère Sébastien ont repris en 2013 la Prairie, la ferme familiale tenue sur 4 générations d’agriculteurs. Ils cultivent la terre avec des pratiques de permaculture et d’agroforesterie inspirées de nos jardins créoles. En 2015, ils proposent des paniers des produits de la ferme en circuits courts. Il existe désormais plus d’une vingtaine de points relais partout sur l’île; en plus de la livraison à domicile. 

La promesse ? Manger localement, sainement avec du goût et juste du goût. Il y a une moyenne de 200 paniers par semaine, qui vont dans les foyers Martiniquais. Nous proposons également des œufs frais de nos poules qui gambadent en plein air. Nous proposons à nos clients des visites de la ferme afin qu’ils découvrent notre manière de fonctionner et la richesse de nos écosystèmes martiniquais. Cela permet de mieux comprendre les efforts qui se cachent derrière chaque fruit ou légume cultivé. Par exemple, montrer qu’un ananas, ça prend 13 mois à pousser ! 

Quels défis liés à l’alimentation avez-vous identifiés sur le territoire ? 

Les défis de l’alimentation sont principalement liés à l’Histoire de nos îles : plus de 85% de la biodiversité est entre les deux tropiques. La Martinique est un écrin de biodiversité. Pourtant, entre 60 et 70% de ce que les martiniquais consomment est importé. Ça laisse peu de champs au territoire pour s’auto suffire.. Historiquement, la majorité de l’agriculture est liée au sucre de canne et aux bananes vouées à l’exportation. D’après la chambre de l’agriculture, 200 000 tonnes de bananes récoltées par an contre 14 000 tonnes pour la production locale diversifiée. 

Pourtant, ⅔ des Martiniquais veulent consommer local et savoir d’où vient ce qu’ils mangent : mais c’est très difficile. Heureusement il y a des marchés spontanés, qui font partie de notre culture mais il peut y avoir un manque de traçabilité. Sinon c’est la grande surface ! 

Il y a un vrai enjeu autour de l’ accompagnement du Martiniquais sur sa façon de consommer : rassurer sur la consommation locale, la rendre accessible avec le e-commerce et le circuit court, si le digital n’est pas un frein pour eux.

C’est un défi politique, économique et citoyen : il faut une diversification des sources pour qu’on puisse gagner plus d’autonomie.

Quels sont les écueils dans lesquels ne pas tomber ? 

Dans les discours actuels, on entend beaucoup “Il y a eu la monoculture de la banane, c’est la faute des agriculteurs qui ne plantent pas d’autres choses ». En fait, l’agriculteur répond au marché et à une filière bien établie. Les filières monoculturales telles que la banane où la canne sont très bien intégrées dans un système d’aide et de commercialisation à 100%.

Aujourd’hui un agriculteur qui récolte 1 tonne de banane va toucher une aide importante de l’Etat, avec la garantie que toute sa production sera prise en charge; même par un suivi technique. Si un agriculteur fait l’effort de la diversité, l’aide est vraiment moindre et il reste livré à lui-même pour la commercialisation de ses cultures: il va devoir faire les marchés ou trouver un intermédiaire qui fera le marché pour lui. Tout cela est très peu sécurisant, d’autant qu’il y a souvent nos aléas climatiques ( cyclones, sécheresses…) dont il faut tenir compte. 

Aujourd’hui on s’intéresse au bio, aux exigences des consommateurs. On va alors demander à l’agriculteur d’être un commercial, un marketeur, un comptable, sans garantir un retour financier sur ce qu’il plantera. Si demain je fais le choix de planter des goyaves, je dois m’assurer que des clients vont me les acheter sans que je fasse une page internet et beaucoup de communication pour cela. 

L’enjeu côté production est donc de faciliter le quotidien des agriculteurs pour qu’ils se concentrent sur ce qu’ils aiment faire : cultiver nos paysages. 

Quels sont les leviers sur lesquels on peut s’appuyer pour développer une agriculture plus durable ?

Réduire la chaîne entre le consommateur et l’agriculteur en assurant, ce que Sébastien appelle, une transition de garantie. En réduisant la chaîne, nous partageons mieux le risque et comprenons mieux les réalités agricoles afin de mieux garantir à nos agriculteurs une source de revenue fiable.

Nous avons organisé un atelier d’intelligence collective en juillet 2020 en réunissant  des restaurateurs, des agriculteurs  et des consommateurs. Ce qui en est ressorti ? “on veut plus de proximité, plus de transparence, plus de cohérence” . Il y a vraiment un souhait de faire rencontrer consommateurs et agriculteurs. 

Le marketing, adapté à nos spécificités locales pour embarquer plus de monde ; redonner du pouvoir au consommateur à condition qu’il comprenne également la responsabilité qu’il détient au bout de sa fourchette. On utilise notamment le digital pour communiquer et faire passer nos messages. 

La technologie : au-delà de l’e-commerce, le digital peut être un vrai soutien quotidien. Nous souhaitons mettre à disposition des outils d’aide à la décision agricole, pour capter des données qualifiées sur des méthodes adaptées à nos réalités locales. 

Et enfin, faire tout ça avec plaisir ! 

Qu’est ce que vous a apporté la formation Mouv’Outremer ? 

Participer au programme Mouv’Outremer nous a permis de mettre à jour nos connaissances sur le Développement Durable et nous a rassuré sur nos hypothèses. On s’est senti aussi moins seuls. On a directement mis les mains dans le cambouis pour valider des hypothèses sans attendre la solution finale ! Et surtout rencontrer de nouvelles personnes avec la même envie de participer au développement de nos territoires. 

Sur l’idée d’outiller des terrains avec des capteurs: j’ai la sensation que c’est un parti pris à mettre en avant : en parlant avec certains acteurs d’EPCI ou des spécialistes de la biodiversité de guyane, je me suis rendue compte que c’était aussi leur souhait  d’avoir des données qualifiées, des chiffres qui confirment des méthodes d’agriculture. On va  donc lancer notre premier hectare connecté en 2021. Je n’aurais pas pu aller aussi loin sans la formation. 

C’est quoi les prochaines étapes ? 

La 2e partie c’est le POC (Proof of Concept). Il va falloir challenger la cible, le parcours client, nous forcer à prendre le temps de le faire. Au début, on s’est dit :  on va partir avec un gros budget. Avec la formation, on s’est rendu compte que commencer petit, avec un simple groupe whatsapp, permettait de valider nos hypothèses. L’essentiel est d’aller cibler les agriculteurs et solutionner des “pains points”, avec une personne pour animer la communauté.