Avec Le Trois Lieu, D’Antilles & D’ailleurs propose un lieu 4 en 1 : accueil, écoute, accompagnement et sensibilisation pour oeuvrer pour les femmes en situation vulnérable
Je m’appelle Lavinia Ruscgini, je suis directrice de l’ONG D’Antilles & D’Ailleurs et je suis engagée à titre de bénévole au sein du mouvement du Nid en tant que féministe. J’ai participé à la 1ère édition Mouv’Outremer.
Portrait chinois
Si j’étais une saison : je serais le printemps ! C’est la saison des recommencement : on se remet en question, nouvelles idées, nouveaux projets, nouvelles inspirations…
Si j’étais un instrument de musique : je serai le violon, car il faut des années pour bien apprendre, c’est comme nos chemins, nos parcours : il faut des années pour apprendre, tout ne vient pas naturellement. C’est un symbole de persévérance.
Si j’avais une baguette magique : je redistribuerais de l’argent aux femmes victimes de violence et prostitution !
Depuis que je suis étudiante, en voyant des femmes vulnérables, je me suis toujours posée la question : et si c’était moi ?
Quel est le projet que tu portes ?
Mon projet, c’est Le Trois Lieu : un espace sécurisé et sécurisant pour les femmes victimes de violences et prostitution. Le projet a été conçu en 2020 entre les confinements, et nous avons investit l’espace que nous avons aujourd’hui en mars 2021. L’espace est composé de trois structures associatives :
- L’ONG D’Antilles & D’Ailleurs : une ONG de coopération et développement, qui agit sur le renforcement des capacités et des connaissances pour l’insertion économique des femmes en position de vulnérabilité.
- FLAM (Femmes Latine Américaines en Mouvement) : un mouvement ayant pour vocation de promouvoir un nouveau regard sur la communauté des femmes migrantes latino-américaines sur la Martinique et de lutter en faveur de leurs droits.
- Le Mouvement du Nid : l’antenne Martiniquaise d’une association nationale luttant contre les causes et conséquences de la prostitution.
Environ 15 personnes travaillent sur la structure. Les valeurs au coeur du projet sont la diversité culturelle, le féminisme intersectionnel, l’équité, la coopération…
Sur ce lieu de 200m2, avec 2 étages (et un petit jardin) il y a de nombreux espaces et activités proposées aux femmes victimes de violences accueillies : ateliers couture pour l’insertion socioéconomiques, cours de FLE, activités de sensibilisation et information, accompagnement administratif, juridique, soutien psychologique, aide à l’accès à la santé (présence d’infirmières d’un gynécologique), présence de conseillers pôle emploi…
Nous avons créé un maillage entre les trois structures : l’idée est d’avoir une mutualisation des espaces, mais aussi des équipes et actions. L’établissement se situe au coeur de la ville de Fort-De-France, dans un QPV (Quartier Prioritaire de la Ville), prêt de quartiers liés au trafic de drogue ou à la prostitution, car nous avons la volonté d’être proche de ce public, et de les accueillir dans un espace digne.
Pourquoi t’es-tu engagée dans cette cause ? Peux-tu nous parler de cette problématique ?
Depuis que je suis étudiante, en voyant des femmes en position de vulnérabilité, je me suis toujours posée la question : et si c’était moi ? Si j’étais à cette place, j’aimerais que quelqu’un m’aide. J’ai cette envie de contribuer activement en tant que militante et en tant que bénévole.
Quelles difficultés rencontres-tu dans ce projet ?
On a commencé à concevoir une garderie, car on a identifié cette problématique de garde d’enfant pour les publics accompagnés, donc on a commencé à développer cet espace pour les femmes et les enfants. Mais on eu beaucoup de difficultés : difficultés de logistique, de réglementation, difficultés pour concevoir l’espace et l’adapter, à faire en sorte que les femmes ne viennent pas seulement pour la garde d’enfant mais soient également accompagnées…
Une autre difficulté plus globale est de recevoir du soutien sur le projet : le public que nous accompagnons est très stigmatisé et les réactions (de la société, des administrations, des travailleurs sociaux…) sont parfois difficiles : on doit défendre notre projet et déconstruire beaucoup de préjugés et de stéréotypes.
Un mot sur ton expérience avec Mouv’Outremer ?
En 2020, on a reçu un mail intéressant à se sujet, et je me retrouvais dans les priorités sociales et environnementales fixées. J’ai bénéficié d’un accompagnement par des experts, de méthodologies d’intelligence collectif. Le projet était au stade d’embryon, et Mouv’Outremer a permis d’élargir le réseau, de peaufiner le projet… Le brouillon du projet a été ajusté en fonction des retours, des apports théoriques, des apports d’experts et d’autres porteurs de projets des Outre-Mer. C’est important d’interagir avec des personnes qui ont les mêmes problématiques, qui partagent les mêmes difficultés, aussi sur des territoires insulaires ou dans des territoires aux histoires similaires. La formation m’a vraiment apporté des compétences théoriques et pratico-pratique, pendant la pandémie.
Pour moi ça a été une ouverture à 360° : l’accompagnement m’a permis de voir tous les aspects du projet : modèle économique, réseau partenaire, communication… Et ça m’a permis de créer des liens et synergie avec d’autres Mouvers, comme avec Béatrice du club Soroptimist
Une fierté à partager ?
Cela fait 2 ans qu’on a cet espace, et soit par le bouche à oreille, soit avec notre présence et nos activités, on sent au fur est à mesure qu’on est vraiment reconnues par le public : elles connaissent cet espace, viennent à eux, et savent qu’elles seront bien accueillies et accompagnées, c’est une grande fierté.
La fierté aussi, c’est qu’on s’adresse à un public avec beaucoup de difficultés, on a un enjeu d’intersectionnalité (femmes non blanches, souvent célibataires avec un enfant à charge, un faible niveau de qualification…), mais on réussi à créer le dialogue entre leur monde et celui des institutions, on est le coussin qui permet le dialogue entre ces deux mondes qui ne se côtoient et ne se comprennent pas.
Aujourd’hui, on compte une vingtaine de sorties positives, de femmes qui retrouvent un travail après la prostitution par exemple : ce sont des parcours difficiles, peu stables, emmaillés par la violence, mais on arrive à faire sortir un certain nombre de femmes de leurs difficultés.
Avant de terminer : un appel à action à partager ?
Si des personnes que vous connaissez qui sont victimes de prostitution en Martinique, faites passer l’information : il existe cet espace, ce lieu d’accueil et d’écoute, qui pourra les accompagner !
INFOS PRATIQUES :
Adresse :
Le trois lieu
122 rue Lamartine
97200 Fort-De-France
Téléphone : +596 596 58 38 19
Site internet : https://www.dantillesetdailleurs.org/le-trois-lieu
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