Salon virtuel mouv’outremer : le rendez-vous des acteurs du changement
Six mois après la fin du dispositif de form’action, les mouvers Antilles-Guyane ont organisé leur premier événement collectif. Un salon virtuel gratuit et ouvert à tous pour échanger, partager et rencontrer la communauté.
Une zone d’accueil pour accéder aux différents espaces, une salle de conférence pour les sessions plénières, des ateliers et tables-rondes pour échanger en petit comité, des stands pour présenter les partenaires, un espace de discussion pour réseauter et discuter avec l’ensemble des visiteurs et des intervenants… Grâce à la plateforme indienne Floor et à l’énergie sans faille du pôle évènement de la communauté Antilles-Guyane, c’est un véritable salon qui a ouvert ses portes le 10 décembre 2021 à 8h30.
Retour sur les temps forts de cet événement qui a marqué les esprits, avec trois référents au cœur de l’organisation.
Béatrice DUCHET (Martinique) est chargée de mission à l’AFD de Fort de France. Il y a un an, elle a choisi de participer en tant qu’apprenante à la form’action mouv’outremer qu’elle avait contribué à construire. Cette « double casquette » lui a donné envie d’aller plus loin en s’engageant dans le pôle événement de la communauté Antilles Guyane.
C’est également le cas de Nicolas LESUEUR (Guadeloupe), communiquant engagé dans l’association Gwada MLCE, pour la mise en place d’une monnaie locale, et dans l’association L’effet papillon, qui organise notamment les conférences TEDxPointeàPitre. Nicolas s’est « tout de suite positionné » pour le pôle événement.
Quant à Frida RENE (Guadeloupe), c’est en tant que « citoyenne engagée dans le secteur associatif », notamment pour la mise en place de dispositifs collaboratifs de lutte contre l’obésité et pour l’éducation alimentaire, qu’elle a tout naturellement voulu mettre son expérience au service du pôle événement.
À l’été 2021, ces trois-là, ainsi que Lavinia RUSCIGNI et Claude TITINA (également référentes du pôle événement), très motivés pour faire vivre leur communauté, ont organisé de nombreux échanges avec les membres pour savoir quelles étaient les attentes : pérenniser la dynamique de la form’action, essaimer cette énergie de vouloir transformer les territoires ultramarins, faire connaître la communauté. C’est de là qu’est née l’idée d’un événement grand public qui rassemblerait les mouvers mais également des institutionnels et d’autres porteurs de projets.
Pourquoi un salon virtuel ?
Frida. En raison du contexte sanitaire incertain, nous avons vite fait le choix du distanciel. C’était aussi un moyen de réduire les coûts. Mais on voulait vraiment créer une ambiance de salon dans lequel on se balade, on se rencontre… Et non une « visio » sur toute une journée ! La solution nous est venue de Nicolas, qui a trouvé cette plateforme, l’outil parfait, avec différents espaces et niveaux d’interaction.
Nicolas. Ça a été folklorique ! Même si j’avais déjà assisté à un événement sur Floor, c’est un outil pour lequel on n’avait pas de repères ni de référents vers qui se tourner pour savoir comment ça fonctionnait. Donc on s’est dit : relevons le défi et en avant la galère !
Béatrice. Vous avez compris qu’on a un geek dans l’équipe (rires) ! On voulait se démarquer, faire quelque chose d’innovant, donc on a dû sortir de notre zone de confort et se former rapidement.
Comment avez-vous procédé ?
Nicolas. On s’est rendu compte qu’on avait des ambitions importantes et qu’il nous fallait un minimum de budget, notamment pour le film de présentation des mouvers et défrayer les bénévoles. En tant que communicants, nous savons que la préparation d’un tel événement engendre de nombreuses tâches et que ça demande du temps. Grâce à Béatrice, on s’est rapproché de l’AFD à Paris ; le projet a reçu un bon accueil et notre budget a été validé.
Béatrice. Dès lors, on a pu faire appel à Maud de Makesense pour qu’elle nous accompagne dans l’organisation. On s’est aussi appuyé sur les référents des pôles animation et codéveloppement pour relayer l’information et nous aider à mobiliser la communauté. Petit à petit, les membres se sont engagés pour proposer des cessions et des ateliers. C’est comme ça que nous avons bâti le programme. Nicolas et Frida ont beaucoup travaillé sur la mobilisation des partenaires extérieurs.
Comment avez-vous recruté ces partenaires extérieurs ?
Frida. Quand on présente la communauté et ses valeurs – créer du lien pour un développement durable de nos territoires –, la plupart des acteurs répondent favorablement. De surcroît, on leur proposait des stands gratuitement. Ça leur offrait une visibilité et ils pouvaient venir sans pression. Au regard de la crise sanitaire et de la crise sociétale chez nous, notre manifestation apportait une bouffée d’air frais dans la grisaille ; une journée où on se penche sur les solutions plutôt que sur les problèmes.
Nicolas. Les acteurs institutionnels ont besoin d’aller à la rencontre des porteurs de projets : ils étaient donc heureux d’avoir cette tribune. Nous sommes aussi allés chercher des personnes qu’on connaissait bien par notre action associative. Elles ont tout de suite répondu présent ! Et, pour rebondir sur ce que dit Frida, il faut remettre dans le contexte. En Guadeloupe, une semaine avant, il y avait beaucoup de tensions, des barricades. Début décembre, toutes les manifestations, même en distanciel, étaient annulées. Mais on avait engagé tellement de temps et de tripes qu’on ne voulait pas renoncer.
Avez-vous dû modifier le programme à cause de la crise ?
Nicolas. On a revu un peu le positionnement pour contextualiser nos problématiques de développement durable et la réalité de crise sociale de nos territoires. On voulait montrer qu’on est conscients de ça, qu’on n’est pas hors du circuit.
Frida. Le programme initial prévoyait de recevoir le ministre ou son représentant, les présidents de région… Compte tenu du contexte et des urgences qu’ils avaient, on ne pouvait plus focaliser l’ouverture de l’événement sur eux. Mais on a eu la chance de trouver rapidement d’autres politiques qui sont venus.
Quels ont été les temps forts de cette journée ?
Frida. Le moment le plus fort, pour moi, pendant la matinée d’introduction, ça a été le témoignage des élus de nos territoire qui avaient participé à la formation. Leur prise de parole a démontré aux autres institutionnels qu’eux aussi pouvaient se former et être partie prenante de la communauté. Pas simplement pour recevoir les porteurs de projet, mais pour travailler de manière plus collaborative. C’était un message important : on peut à la fois être élu et être dans l’action. Que l’on soit dans le privé, dans le public, élus ou pas, nous formons une communauté et nous pouvons avancer tous ensemble. Un autre moment de la journée qui a marqué beaucoup de visiteurs, c’est la session de Félix Lurel.
Béatrice. Comme Frida, j’ai aimé les temps d’introduction avec nos élus et nos dirigeants. Beaucoup de personnalités importantes étaient présentes, notamment Charles Trottmann (directeur du département des Trois Océans à l’AFD). Mais « mon » temps fort, c’est la diffusion du film de présentation des mouvers et de leurs projets. J’ai vraiment apprécié de revoir les visages de nos collègues et amis.
Nicolas. C’est vrai, la séance d’ouverture avec les élus a été un moment fort. Harry Durimel (maire de Pointe-à-Pitre), par exemple, ne pouvait pas se connecter à cause d’un problème technique. Mais il a insisté parce qu’il voulait vraiment participer et il a finalement pris la parole. On a eu un beau panel d’institutionnels qui se sont exprimés pour ouvrir cette discussion. Pour ma part, comme je me suis beaucoup occupé du support technique, c’est plutôt à la fin de la journée que j’ai été agréablement surpris de constater qu’il y avait encore énormément de monde à la séance de clôture et que ça ne s’arrêtait pas ! C’était émouvant après 8 heures de visio !
Êtes-vous satisfaits de la participation ?
Nicolas : Plus de 200 personnes ! On était impressionnés !
Frida : Oui, très ! Dans le contexte, que tant de citoyens et d’institutionnels prennent le temps de venir, on ne s’y attendait pas. Et ce qui nous a vraiment fait chaud au cœur, c’est que la majorité des gens sont restés très longtemps, voire la journée entière, ce qui est rare. Et ça prouve qu’on a eu raison de maintenir l’événement. De nombreux visiteurs ont participé en direct, notamment via le fil de discussion : il y avait une véritable interaction et de vrais temps d’échanges. Et au cours de la journée, de nombreuses personnes ont intégré le groupe WhatsApp. Ça démontre qu’elles se sont reconnues dans notre communauté et ont voulu y adhérer tout de suite.
Béatrice : Les gens ont découvert cette communauté qu’ils connaissaient mal et ont été bluffé par l’énergie qui s’en dégageait. On est contents parce que finalement, on n’était pas très connus, on n’avait aucune légitimité institutionnelle, à part la participation de l’AFD, mais les gens sont venus et ont trouvé quelque chose qui répondait à leurs attentes.
Deux mots pour qualifier l’événement ?
Béatrice. Fierté, réussite et belle énergie.
Frida. Fierté, ça c’est sûr, avenir et inspiration.
Nicolas. Évidemment, on est fiers. Mais ce qui m’a marqué, c’est le lyannaj ultramarin. On a fait un tour du monde avec des acteurs engagés sur toute la planète. C’est ça, les outremers ! C’est le lyannaj, c’est l’ultramarin, et c’est notre avenir aussi.
Des regrets ?
Nicolas. Le seul, c’est de ne pas avoir trouvé les techniques pour mieux mobiliser notre communauté au début.
Béatrice. Beaucoup d’autres projets intéressants n’ont pu être valorisés puisque certains mouvers n’ont pas fait le film de présentation ; on les a au moins aperçus grâce à Frida, qui a réalisé un montage, mais on aurait aimé montrer davantage qui ils sont et comment ils agissent.
Frida. C’est vrai qu’on n’a pas pu valoriser tous les apprenants autant qu’on l’aurait souhaité. Sinon, objectivement, je n’ai pas de regret. Au regard du budget, de l’équipe projet réduite et de la crise sanitaire et sociale, on a surmonté tous les obstacles. C’est un bel exploit.
Un mot de l’avenir ? Un souhait ?
Frida. Mon souhait, c’est que le salon ouvre encore un peu plus les portes pour la réalisation de nos projets. Un des objectifs était de pouvoir être identifiés non pas comme des gens qui ont eu une idée le matin sur le développement durable (rires), mais comme des porteurs de projets qui ont suivi un parcours d’expert, étudié pendant plusieurs mois les enjeux nationaux et territoriaux, révisé leur copie plusieurs fois et rendu un mémoire… Bref, des personnes qui connaissent leurs territoires et portent des projets en adéquation avec ces territoires. Que cet événement ait permis de nous faire connaître et qu’on fasse appel à nous pour mettre en œuvre nos projets, voilà ce que je souhaite pour nos territoires.
Nicolas. Pourquoi on s’engage dans le pôle événement de cette communauté ? Parce qu’on a envie qu’elle soit plus grande et plus forte. Ensemble, on est plus fort, c’est que les visiteurs du salon ont ressenti. Plus on va prendre le temps de se rencontrer, de discuter de nos projets entre nous, ultramarins, plus cette communauté va se densifier et mener des actions, plus ça sera facile de transformer nos territoires. C’est la diversité des typologies de personnes de la communauté qui donne une ouverture sur un projet global et des possibilités d’avancer beaucoup plus vite.
Béatrice. L’objectif maintenant, c’est de passer de l’idée à l’action. À l’AFD, nous avons cette finalité mais nous ne sommes pas les acteurs, nous sommes là pour accompagner. Je nourris le souhait de pouvoir continuer à accompagner cette communauté, qu’elle s’élargisse et qu’on fasse changer les choses. Valoriser tous ces petits projets, et qu’il y ait une prise de conscience générale de la dynamique existante, une transformation par un passage à l’acte. J’appelle de mes vœux un changement de paradigme, qu’on passe d’une politique où on parle à une politique où on agit. La transformation est attendue par les citoyens. Énormément de projets vont dans ce sens. Je souhaite que nos élus s’approprient ces projets-là, s’approprient toute cette belle énergie et s’appuient sur ces ambassadeurs pour transformer progressivement nos territoires. C’est la politique des petits pas. Et je souhaite également qu’on puisse renouveler la form’action pour avoir encore plus d’acteurs formés et en capacité de mettre en œuvre leurs projets.
Comments are closed.