Reportage : Une semaine en immersion dans la formation-action Mouv’Outremer
Dans le cadre du dispositif de formation Mouv’outremer, en octobre 2020, 34 porteurs de projets de la zone Antilles-Guyane se sont retrouvés en Martinique pendant une semaine riche en émotions et en apprentissages pour innover et accélérer leurs projets à impact. Récit.
Il était une fois, un séminaire d’un nouveau genre…
Dimanche 18 octobre. Nous sommes à la veille du lancement du premier séminaire présentiel du dispositif de formation-action Mouv’outremer. Ce dispositif, initié par l’AFD et son campus à la demande du Ministère des Outre-mer pour accélérer les transitions durables a démarré dans la zone Antilles Guyane fin septembre 2020 par un parcours digital.
Demain est le premier jour du premier séminaire présentiel !
Les deux facilitatrices – formatrices mandatées par l’AFD pour construire et animer le séminaire sont prêtes. Elles posent leur sac dans l’espace où se tiendra le séminaire Mouv’Outremer en Martinique à Schoelcher. Elles inspectent la grande salle dans laquelle les participants vont apprendre, échanger et faire grandir leur projet pendant plusieurs jours. L’une d’entre elle, s’exclame, l’air contente : “On a de la place ! On va être bien !”. Puis, à la vue de quelques gobelets en plastique disposés sur les tables : “Tout doit disparaître, on doit incarner nos valeurs ! Cartons recyclés et carafe d’eau pour tout le monde !”. Les valeurs dont elles parlent sont celles du respect de l’environnement, avec un objectif zéro plastique, mais aussi la bienveillance, l’écoute et l’impact qui seront au menu de cette semaine.
Pendant une semaine, c’est la première promotion Mouv’Outremer, constituée de 34 participants, âgés de 25 à 59 ans, des porteurs de projets, venus de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane qui vont s’asseoir à ces tables pour participer à une formation-action d’un nouveau genre. Ils travaillent dans des collectivités locales, comme Sandra qui porte un projet personnel pour repenser l’agriculture de manière locale; sont issus du milieu associatif comme Nicolas qui souhaite développer une monnaie locale; ou encore entrepreneurs, comme Terrence, Terrence qui monte un projet pour produire et commercialiser des produits alimentaires innovants, végan, bio local. Les projets s’inscrivent tous dans un même objectif : accélérer les transitions dans leur territoire sur 5 thèmes clés : zéro déchet, zéro carbone, zéro polluant, zéro exclusion, zéro vulnérabilité.
Ce qu’ils viennent chercher dans ce séminaire ? D’abord et avant tout, tisser des liens. Rencontrer celles et ceux qui s’engagent aussi pour faire bouger les choses. Ils ont tous à cœur d’échanger sur leurs projets respectifs et de découvrir ceux des autres. Ce qu’ils souhaitent ensuite c’est créer, ensemble, cette communauté d’acteurs qui va accompagner les dynamiques de transition et qui va soutenir tous les autres porteurs d’idées qui veulent s’engager dans la même démarche. Et bien sûr ils souhaitent apprendre ! Apprendre de nouvelles méthodes, développer des compétences en coopération, communication, créativité et des outils pour faire avancer leur projet à impact.
Ce séminaire s’inscrit dans le dispositif Mouv’Outremer, une formation-action de 4 mois. La plupart de la formation-action est animée en distanciel mais elle est ponctuée de 2 temps forts en présentiel qui sont clés. Ce séminaire en est le 1er temps fort et est donc très attendu.
D’autant que les participants achèvent 3 semaines de formations en ligne et vont enfin se rencontrer autrement que par écrans interposés. Compte tenu de la situation sanitaire, le suspens sur la tenue de cette rencontre est resté à son comble jusqu’au dernier moment : finalement il a été décidé de maintenir le séminaire avec de fortes dispositions et adaptation (gel à chaque passage de micro, masque obligatoire…) pour respecter les normes sanitaires.
Les participants ne savent pas trop ce qui les attend : c’est une première sur le territoire. Chaque participant a été doté d’un binôme dès le début de la formation-action, une personne avec qui ils entretiennent un lien privilégié et ont des sessions en individuelles : s’ils ont parfois eu la chance de connaître une version pixellisée de leurs visages lors d’un appel préliminaire, la plupart ne se sont jamais rencontrés !
Une première journée sous le signe de l’intensité !
Nous sommes le 19 octobre 2020, 9h30 du matin et c’est le premier jour officiel de la formation. Les apprenants arrivent au compte-goutte dans la salle. Des sourires timides s’échangent, la glace n’est pas encore brisée. C’est Nicolas Picchiottino, Directeur AFD Martinique et Philippe Jock Président de la CCI Martinique qui ouvrent le bal en rappelant lors d’une intervention en plénière l’importance des transitions durables dans les territoires Antilles-Guyane, le potentiel et les opportunités qu’elles représentent et l’importance de l’engagement des porteurs de projet présents dans la salle.
Après le discours, les formatrices présentent les objectifs du séminaire et leur posture de facilitatrice. Puis elles invitent les apprenants à se mettre debout pour déambuler dans la salle. A chaque fois qu’elles frappent dans les mains, les facilitatrices demandent aux participants de s’arrêter, de se tourner vers la personne la plus proche et répondre à la question qu’elles énoncent de vive voix. La première question “Quelle est votre passion secrète ?” surprend tout le monde et déclenche une vague de rires gênés. Finalement, les participants se prêtent au jeu “Le vendredi je me mets sur mon canapé, je mange un plat préparé et je regarde la télé… C’est mon moment de coupure ” “Moi c’est les crèmes au chocolat avec du fromage râpé dedans…” Ils se remettent à marcher…” CLAP. Deuxième question : “Quel est votre super pouvoir ?” Ça y est la machine est lancée, la glace est brisée, ils ne semblent plus pouvoir s’arrêter d’échanger.
La matinée se termine par un temps d’écoute active du parcours, des envies, des attentes des autres participants en petits groupes puis en collectif ou chacun.e présente son.sa voisin.e. Les facilitatrices consignent attentivement les attentes de chacun.e, ce sera la clé du séminaire. C’est ça qui fait la force du dispositif : partir des besoins des apprenants et s’y adapter en permanence.
Au retour du déjeuner, petite “douche” pour tout le monde : l’idée est de se frotter chaque partie du corps de manière vigoureuse pour se réveiller après le déjeuner. D’autant que le programme de l’après-midi est intense : on parle Objectifs de Développement Durable et Cercles d’or des projets. L’objectif étant pour chacun de bien définir : le pourquoi, le comment, et le quoi de son projet en partant du cœur ; le pourquoi.
En fin d’après-midi, les facilitatrices présentent le fil rouge du séminaire : durant toute la semaine, en groupe de 5 à 7 personnes, les porteurs de projets vont travailler ensemble pour trouver une solution au défi “sensibiliser la nouvelle génération aux ODD”. Chaque équipe se voit attribuer un ODD et doit réfléchir à la cible qu’il souhaite toucher, resserrer son sujet, collecter des données sur le thème et surtout proposer une solution qui sera présentée sous la forme de leur choix le vendredi matin. Ce défi a pour objectif de leur faire vivre l’expérience, de former une équipe en un temps court, de savoir mobiliser les compétences de chacun, d’apprendre à coopérer dans un cadre contraint et autour d’un but commun, et de développer sa créativité pour trouver des solutions innovantes. Une formation-action dans laquelle le mot action revêt tout son sens.
La présentation de ce défi rencontre quelques réticences : “Encoooooore un exercice en plus ? Mais on n’aura jamais le temps” s’exclament certains participants. Les facilitatrices leur demandent de faire confiance au processus et répondent à leur crainte en modifiant un peu l’agenda du séminaire. Finalement, l’exercice permettra au bout d’une semaine, de faire naître de beaux résultats : pièces de théâtres, conférences, brevet des collèges, vidéos tik tok, les participants ont redoublé de créativité pour proposer des solutions vraiment très pertinentes et applicables dès le lendemain pour certaines ! “Dans des délais très courts on doit apprendre à faire des compromis, écouter l’autre, se remettre en cause, gérer des conflits… l’intensité fait souvent émerger des choses surprenantes” analyse une des facilitatrices.
C’est la fin de la journée, 8h de travail masqué se sont écoulées… Pour clôturer cette première journée un petit verre de célébration et un dîner au resto mènent vers des discussions jusqu’à 1h du matin pour les plus courageux. Des temps informels indispensables qui soudent les participants.
Une semaine à la pointe de l’innovation pédagogique
La semaine a été construite de manière à varier des formats qui permettent à la fois l’inspiration, grâce des interventions de qualité, mais aussi la contribution des apprenants. Un savant dosage innovant qui compte : une cartographie des parties prenantes, un travail sur l’empathie pour comprendre les besoins des différentes parties prenantes et adapter sa communication en fonction, l’évaluation de son profil psychologique grâce au MBTI pour apprendre à se connaître et pouvoir échanger avec l’autre sur son mode de fonctionnement.
Mais aussi des visites terrain, dont une qui marque particulièrement les apprenants, celle de Fonds Saint Denis. Grâce à Annick, maire de Fonds Saint Denis et participante de la formation, les porteurs de projet découvrent la commune et sa politique territoriale éclairante présentée par Étienne Jean-Baptiste, adjoint au maire. Ils participent à une démonstration de l’association Lasotè. De l’avis des participant.es et des facilitatrices, c’est beaucoup trop court. Un webinaire dédié sera organisé pour prolonger la discussion avec Étienne Jean-Baptiste.
Pour s’inspirer, rien de mieux également que monter sur les épaules que ceux qui ont déjà monté un projet : une table-ronde sur le thème “Monter un projet à impact” est organisée avec 7 acteurs, Céline Chartol, co-directrice de Ta Nou Bio, Denise DUFEAL, Directrice Fredon Martinique, Emmanuel JOSEPH, Fondateur de Lakou Digital, Jean-Philippe MAREL, Fondateur de ECO Mobil, Anabelle VIGILANT, Ingénieur Approches Territoriales intégrées Climat Air Energie Transport Mobilité Aménagement Observation, Béatrice BALDARA MARIMOUTOU, Directrice de la Mission Locale du Centre de la Martinique MILCEM.
Chacun des intervenants présente son projet, son ambition, les difficultés qu’ils ont rencontrées, ou prodiguent des conseils utiles pour les participants à différents stades de leur projet.
Un moment clé pour construire une communauté d’acteurs engagés
Durant le séminaire, le besoin est ressenti de formaliser les objectifs de cette nouvelle communauté formée par les participant.es, de préciser ce qui les définit comme groupe, mais aussi de parler des actions qu’il.elles pourraient mener ensemble Les facilitatrices préparent alors un atelier pour définir les contours de la communauté Mouv’outremer : la raison d’être, la vision, les activités et les outils qui font le cœur de cette communauté etc.. Et il ne faut pas longtemps aux apprenants pour s’emparer du sujet ! Dès le lendemain, Nicolas réalise un site internet qui propose les fonctionnalités souhaitées par le groupe ! Il y a encore un peu de travail dessus et une équipe s’y attelle !
Une formation riche pour les participants
Il est temps de se séparer après une semaine riche en rencontres.
Le questionnaire récoltant les avis en fin de séminaire montre que les participant.es ont vivement apprécié l’expérience : “enrichissant” est le mot le plus utilisé pour décrire la formation-action, suivi de près par “Communauté” et “Innovant”.
“J’ai beaucoup aimé le dynamisme et le côté participatif du séminaire. Les outils proposés se sont avérés très efficaces pour le développement personnel et l’approfondissement de projet.” affirme l’un des participants “Belle dynamique collective qui incite à un plus fort engagement” surenchérit un autre?
On reprend dès le lundi pour la suite de la formation en digital ! Rendez-vous fin janvier pour un bilan complet de la formation.
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